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3 janvier 2016 7 03 /01 /janvier /2016 19:40
Le Meilleur de 2015 [1ère partie]

Ah 2015… Ses voitures volantes, ses rues futuristes, ses overboards, et surtout ses cinémas en 3D… Forcément tout le monde en à plus ou moins parlé de ce petit événement amusant : notre arrivée à l’époque fantasmée en 1989 par Retour vers le futur 2… Amusant, mais aussi révélateur… Même si, personnellement, je n’aurais pas aimé vivre dans le futur imaginé par Robert Zemeckis dans ce film, j’aime constater à quel point la réalité est loin du fantasme, comment le futur est en fait bien plus désenchanté que ce qu’on pouvait se l’imaginer… Eh bien comme quoi il y a parfois un petit peu de prophétie dans ce genre d’événement là car, pour moi aussi, 2015, en termes de cinéma, ce fut clairement une désillusion. On ressortait d’une année 2014 plutôt riche pour ma part, et l’année 2015 commençait même plutôt bien… et là – patatra ! – est venue l’heure de faire le bilan. Statistiquement parlant, jamais année n’a été plus mauvaise que celle-là me concernant. JAMAIS. Au jour où j’écris cet article, j’ai à mon compteur 24 années passées au crible de cette logique du Top 10. Or, c’est la première fois que je me retrouve à devoir y faire figurer un film « 3 étoiles » (sur une échelle de 0 à 5 je le rappelle). Eh oui, pas plus de 80 films vus cette année et – malgré cet écrémage, seulement 5 films à « 5 étoiles » (bon, ici, pour le coup, on est dans ma moyenne habituelle) et – surtout – seulement 4 films à 4 étoiles (et là… Pour le coup, c’est du jamais vu me concernant.) Alors, je pourrais passer des heures à analyser les raisons de ce ressenti, mais il me semble que c’est ce que je fais chaque année, pour arriver sans cesse aux mêmes conclusions. Donc, pour cette fois-ci, je vais limiter mon commentaire de l’année en affichant seulement six affiches qui, dit-on, ont été les événements de l’année aux yeux de la presse spécialisée… Pour moi ça dit tout.

 

Bon voilà… Pour moi tout est dit en voyant ça… Soit on s’est tapé des films qu’on a déjà vu mille fois chacun, soit on s’est tapé des caricatures risibles de cinéma naturalisto-social européen. Alors après, j’avoue, je triche. Il y a un film dont on a parlé aussi pas mal et qui, pour le coup, m’a mis en joie. Je l’ai même mis en tête de mon Top 10. Donc celui-là, je me le garde de côté pour mieux vous en parler par la suite… et quand je dis « par la suite », en réalité ça ne va pas être plus tard que maintenant. Parce que bon voilà, ne nous éternisons pas sur ce qui ne marche pas. Après tout, cet article s’intitule « le meilleur de 2015 » (avec toute la subjectivité qu’implique cette expression) alors, faisons un effort, et laissons de côté, le temps d’un article, ce gigantesque pire qui aura émaillé notre quotidien durant les 364 autres jours. Sans plus attendre donc, voilà donc le Top 10 des films que je vous conseille pour ceux qui ont été des retardataires de 2015…

 

 

Top 10

 

 

 

1. Mad Max, Fury Road 

Je le disais en introduction : quand je parlais des films qui ont fait parler pour pas grand-chose, je ne comptais pas dedans ce Mad Max : Fury Road. Parce que oui, il a fait beaucoup parler de lui ce quatrième opus de cette saga australienne désormais presque quarantenaire ! Et non seulement il a fait parler de lui ce film, mais en plus il a fait parler de lui en bien. Que ce soit dans la presse ou parmi les spectateurs, cette Fury Road a quand même reçu un accueil global plus que positif. Et pour le coup, je me range totalement de côté de tout ce monde là. A tel point d’ailleurs que je me décide à le faire figurer en première place de ce classement. Et franchement, ce n’est clairement pas un choix que j’opère là à la légère, sur un simple cour de cœur surprise. C’est vrai que je n’en attendais pas grand-chose de ce film, tant je craignais un remake à la Total Recall : inutile, lissé et numérisé à mort. Constater que ce Fury Road était tout le contraire m’a effectivement clairement surpris, et plus qu’en bien. Seulement voilà, au moment où je rédige cet article, j’ai déjà eu l’occasion de le revoir quatre fois de plus et, je l’avoue, la machine fonctionne toujours aussi bien sur moi. Oui, je suis accro.

   

Alors c’est vrai, quand j’ai annoncé à mes amis que ce Mad Max serait là le grand lauréat de mon bilan de 2015, certains ont tout de même tiré une drôle de tronche, me disant : « Oui c’est vrai que c’est pas mal, mais bon, ça reste quand même très basique ! » Effectivement, c’est très basique. C’est le propre du cinéma d’action que d’être basique. Mais bon… Si c’est basique, pour moi, c’est seulement en termes de schéma narratif, parce que bon, pour tout le reste, George Miller témoigne pour moi d’un savoir-faire cinématographique qui pour moi relève tout bonnement du génie artistique. C’est justement très dur de construire tout un univers et tout une histoire autour d’un élan basique qui soit accessible à tous. Pour moi, Mad Max est un petit peu au cinéma ce que Super Mario est au jeu vidéo. Tout le monde s’est toujours foutu de la tronche de cette saga du plombier à salopette parce que son histoire n’avait aucune profondeur et que son gameplay à base de simples sauts étaient basiques. Seulement, cette saga s’est toujours imposée parce qu’à partir d’éléments simples et accessibles à tous, elle est toujours parvenu à développer une aventure ludique très riche, sans cesse progressive et qui au final nous forçait à adopter des mécaniques complexes au pouvoir immersif surprenant. Pour moi, Mad Max Fury Road fonctionne comme ça. Au premier abord, ça a l’air simple. Vu de l’extérieur, ça n’a pas l’air bien malin. Et pourtant, s’y plonger c’est ressortir riche d’une sacrée expérience sensorielle.

  

Alors OK, pour qui voudrait être pleinement convaincu, je pourrais aligner des exemples explicatifs de trucs qui font que je considère ce Mad Max comme une magnifique œuvre formelle maitrisée de bout en bout. Je pourrais insister sur le fait que George Miller a su avoir l’intelligence de maitriser son cadre à l’ancienne, ne créant du rythme qu’au travers d’un cut savamment utilisé plutôt qu’au travers de mouvements trop chaotiques. Je pourrais dire aussi qu’il a parfaitement su gérer la « respiration » du film, sachant enchainer astucieusement les moments nerveux aux phases de reprise de souffle. Je pourrais enfin louer ce papy rocker du cinéma d’action pour avoir su user avec parcimonie des effets numériques pour davantage insister sur des effets physiques et bien concrets. Oui, je pourrais dire cela. Mais bon, pour moi, expliquer Mad Max n’a pas vraiment de sens. Mad Max est un film de « sens ». On le sent, on le vit, on le vibre. Et l’air de rien, il en dit peut-être plus sur l’humain, sa nature et son devenir que peuvent le faire de nombreux films bobos qui dissertent pompeusement sur la condition humaine sans jamais parvenir à incarner leur propos. Là, on a un film de chair. On a un film jusqu’au-boutiste. On a un film sans limite. Et moi, rien que pour ça, je prends mon pied comme c’est pas permis. Donc oui, oui, et trois fois oui. Merci à George Miller d’avoir ressuscité et transcendé ce cinéma là. A lui seul ce film m’a garantit cinq séances de plaisir à l’état pur. Donc sa première place, il ne l’a clairement pas volé.

 

 

2. Réalité

Ça va paraitre un peu bizarre ce que je vais dire, mais quand je suis ressorti de ce film là (et c’était début février, rappelons-le), je n’espérais qu’une seule chose : qu’il n’y en ait pas de meilleur au cours de l’année afin de pouvoir le mettre premier et ainsi valoriser le plus possible ce pur bijou de cinéma. Alors oui, c’est bizarre parce que, d’une certaine manière, on devrait forcément souhaiter voir des films encore meilleurs que ceux qu’on a déjà adoré : c’est tout de même la garantie d’avoir une année sacrément riche ! Seulement voilà, ce Réalité là, ça aurait été un magnifique « Film de 2015 » militant. Parce que oui : il aura fallu une demi-douzaine de films à Quentin Dupieux pour arriver à ce résultat là. Une demi-douzaine à faire de son côté. Une demi-douzaine que son distributeur a dû se risquer à sortir. Une demi-douzaine que je me suis risqué à voir. Pour tout le monde, ça a été un effort. Tout le monde aurait pu abandonner en cours de route et échapper à ce Réalité. Et pourtant, parce qu’il existe des réalisateurs qui ont foi en leur cinéma ; parce qu’il existe encore des distributeurs courageux, et parce qu’il y a encore des spectateurs qui sont prêts à perdre beaucoup de temps dans l’espoir de tomber sur des films qui ouvre des portes dans les possibilités de faire du cinéma, Réalité existe.

 

Et pour le coup, placer Réalité après Mad Max : Fury Road, c’est pour moi clairement assumer un type de cinéma que je préfère par-dessus-tout, c’est le cinéma sensoriel. Je ne suis jamais contre du cinéma bavard, du cinéma qui ose manipuler des concepts ou bien contre du cinéma développant des démonstrations : la preuve, j’aime le cinéma de Christopher Nolan. Dire cela, pour moi, c’est tout dire. Seulement voilà, je dois bien avouer que ça me scie quand même plus quand j’assiste à une expérience sur laquelle je n’arrive pas à poser de mot mais qui a quand même réussi à brasser quelque-chose en moi. Réalité, pour moi, c’est ça. C’est un film qui est à la croisée des chemins des pièges à esprit lynchéens, de l’humour absurde des Nuls (choisir pour icône Chabat est d’ailleurs une idée merveilleuse) et d’une démarche d’introspection artistique qui est vraiment propre à Dupieux. Alors d’accord – je le conçois – conseiller un Dupieux à quelqu’un qui n’en a jamais vu, c’est comme conseiller dans un restaurant un plat issu d’un pays lointain qui n’a aucune équivalence dans notre culture. Parce que oui, le cinéma de Dupieux joue des codes, il s’en affranchit, il nous perd volontairement. Se plonger dans un de ses films, c’est clairement accepter de lâcher prise. On peut adorer ça comme on peut détester ça. Moi j’adore. A vous de voir si vous vous sentez prêts à vivre une pareille expérience… 

 

 

3. Kingsman

Cette année, l’événement en termes de films d’espionnage sur lequel tout le monde a glosé, c’est Spectre, le dernier épisode du cycle Daniel Craig en temps que James Bond. Bon James Bond, mauvais James Bond, chacun y est allé de son commentaire et de son point de vue. Pour ma part, en cette fin d’année, la seule chose que j’ai envie de dire à ce sujet, c’est qu’à mon sens, le meilleur James Bond qu’on ait vu cette année – et cela depuis bien longtemps – ça a été ce Kingsman. Alors oui, Kingsman n’est pas un James Bond. Mais ne nous mentons pas. Dans l’optique du so british Matthew Vaughn, ce Kingsman est autant une version librement adaptée par lui de James Bond qu’avant lui Kick-Ass avait été une version librement adaptée de Spider-Man. Le film d’ailleurs ne s’en cache pas. Il fait souvent référence à son modèle. Et là où la chose est belle, c’est que jamais Kingsman n’entend se poser comme un remplaçant ou comme un substitut au célèbre espion légendaire. Oh non. Il entend juste se présenter comme une alternative, une mise-à-jour du concept par rapport au monde moderne.

  

Alors après, est-il si utile que cela pour moi d’en dire plus ? Kingsman est un film sur lequel je me suis déjà longuement exprimé sur ce blog. Un article lui est même d’ailleurs consacré. Donc, j’ai presque envie de dire « cessons-là toute palabre, et que les intéressés aillent se ruer sur ce lien hypertexte ! » Seulement voilà, cet article, il n’aurait de sens que pour ceux qui auraient déjà vu Kingsman. Alors si vous l’avez vu et que vous vous étonnez de tout el bien que j’en dis, alors je vous en prie, vous savez désormais quoi lire ! Pour les autres par contre, éviter de spoiler serait quand même de bon ton. Ainsi, pour vous conseiller ce film, je ne me limiterai qu’à vous dire ces simples choses. Oui, c’est vrai, c’est violent et c’est nerveux. Mais d’une part cette violence n’est pas gratuite, elle sert clairement un propos qui est là pour traduire la violence de notre monde actuel. Et d’autre part, cette violence est clairement contrebalancé par un propos très malin, très humain et – c’est là que je l’adore ce film – très social. Rien que pour cette association étonnante là, je trouve que Kingman mérite qu’on lui laisse une chance. Et alors peut-être que vous aussi, vous comprendrez pourquoi j’ai décidé de faire trôner ce film sur ce podium de 2015…

 

 

4. Vice-versa

Chaque année, il y en a toujours au moins un dans ce cas là, et cette année c’est Vice-Versa qui est concerné. De quoi je parle ? Je parle de mise à jour de mon appréciation d’un film après revisionnage. L’année dernière, Whiplash était passé de la dixième à la sixième place grâce à un revisionnage dans la foulée de la première fois. Même chose pour Philomena qui avait obtenu une étoile supplémentaire grâce à un revisionnage en DVD. Là, pour le coup, c’est Vice-versa qui a eu le droit à cette revalorisation. Et force est de dire que je l’assume totalement. Alors oui, au départ, je l’avoue, même si j’étais fort sensible à l’inventivité démente du film et au savoir-faire pixarien sur ce film là, il m’avait fallu digérer quelques aspects qui me restaient en travers de la gorge. Cette famille rose-bonbon qui sert de base à l’histoire, moi ça me pose toujours un petit souci dans les films américains. De même, choisir de traiter des émotions qui animent un personnage et zapper du scénario des émotions aussi évidentes que la frustration et le désir, moi, ça m’avait vite fait douter sur la capacité de Pete Doctor à traiter son sujet sans toutes les contraintes morales de son producteur à grandes oreilles. Seulement voilà, en revoyant le film, et en sachant vers quelles subtilités il irait en conclusion, j’ai davantage su me faire à ces petits problèmes pour apprécier tout le reste.

 

Le pire, c’est que dans cette histoire là, même après un deuxième visionnage, j’ai toujours autant de mal avec le côté rose bonbon de l’intrigue principal, tout comme je suis toujours aussi frustré de voir des émotions manquer dans le scénario. Mais c’est justement vous dire à quel point j’adore et je vénère tout le reste, parce que oui, malgré mes réserves, je me suis permis de rajouter une petite étoile à ce Vice-Versa afin qu’il puisse trôner parmi les chefs d’œuvres de cette année. Alors, encore une fois, je pourrais m’étaler en long et en large sur tout ce que je trouve d’absolument brillant dans ce film. Je pourrais lister la liste faramineuse de bonnes idées, ainsi que les qualités incontestables de Pete Doctor à narrer son histoire de manière fluide, dynamique et poétique. Seulement voilà, je pense que c’est là chose inutile. Si vous faites partie de ceux qui ont vu ce film et qui l’ont apprécié, je n’aurais pas besoin de vous faire un dessin tant les qualités me semblent évidentes. Pour les autres, le mieux – je pense – est encore de découvrir par soi-même…

 

 

5. Une belle fin

C’est marrant, mais ce film, j’ai toujours l’impression d’avoir du mal à le vendre. Contrairement à ses prédécesseurs – voire mêmes aux autres films qui suivent – je ne peux m’empêcher de faire preuve de prudence quand j’évoque mon profond enthousiasme à l’égard de cet Une belle fin. A chaque fois, ça se traduit par une sorte de « bon bah oui c’est vrai que c’est assez simple, que ce n’est pas très gai, que beaucoup pourraient penser que c’est du cinéma facile, mais moi j’adore… » Dans ces moments là , quand je m’écoute, j’ai l’impression de parler d’un de ces péchés mignons que je n’arrive pas à assumer comme Fast And Furious ou Ghost Rider, comme si finalement je reconnaissais une certaine faiblesse au film mais que, pour une raison obscure liée à une nostalgie mal placée ou tout simplement par faiblesse, je ne peux m’empêcher d’adorer. D’ailleurs, quand m’est venu le moment d’écrire ces lignes concernant Une belle fin, c’est encore ce schéma de pensée là qui m’est revenu en priorité… Et quand j’y réfléchis, je me dis qque c’est quand même vraiment stupide quand il s’agit de parler d’Une belle fin. Parce que non, Une belle fin n’est pas un film que j’aime par faiblesse. Oui, Une belle fin est un film simple. Oui Une belle fin joue sur des émotions faciles. Mais justement. Un film peut être simple sans être basique. Un film peut jouer sur une émotion facile sans forcément jouer facilement de l’émotion.

 

C’est vrai, la mort, le deuil, est un sujet fort, un sujet propice aux larmoiements, et donc forcément casse-gueule. Il est si facile de tomber dans les trémolos ridicules en mode Petits mouchoirs de Canet. J’en trouve la démarche de l’auteur de ce film, Uberto Pasolini, d’autant plus louable et efficace. Savoir rester sobre sur un tel sujet ; ne pas vouloir éviter le sentiment sans le travestir pour autant, c’est un jeu subtil, mais c’est remarquable quand c’est réussi. Or, pour le coup, moi je trouve qu’avec cet Une belle fin, c’est remarquablement réussi. Et c’est vrai qu’une fois dit ça, il est difficile d’en dire plus. Tout est une question de sensibilité. Je pourrais vous dire qu’Eddie Marsan est remarquable pour incarner la démarche globale du film ; je pourrais aussi vous dire que Rachel Portman a su composer une très bonne musique pour accompagner tout cela, mais au fond, tout cela n’est qu’un simple sentiment, personnel, que vous pourriez très bien partager comme vous pourriez y rester totalement étranger. Vous l’aurez donc compris, je crois que le seul moyen pour vous de savoir si Une belle fin vous parle est encore de le voir. Que vous y trouviez votre compte ou pas ne dépend au fond que de vous et de l’état d’esprit avec lequel vous l’abordez… Je sais qu’il est de bon ton en société d’avoir le réflexe de se fermer et de dénigrer tous les films qui usent de ces émotions faciles. A vous de savoir si vous êtes prêts à faire l’effort de ne pas tomber dans cet écueil…

 

 

6. Captives

Ce n’est pas la première fois que ça arrive : je me retrouve à encenser un film d’Atom Egoyan, un film que beaucoup d’autres, qu’ils soient critiques ou amis, ont jugé fade voire raté. Le dernier en date me concernant, c’était Chloé, avec Julianne Moore, Amada Seyfried et Liam Neeson, que tout le monde avait taillé pour avoir été un remake sans consistance de Nathalie d’Anne Fontaine. A dire vrai, on pourrait reprocher plus ou moins la même chose à ce Captives, notamment le fait qu’il est la reprise d’un schéma plus que connu dans le cinéma contemporain, celui du thriller basé sur le rapt d’enfant. Après tout c’est vrai, quinze mois plus tôt sortait Prisoners de Denis Villeneuve – un film que tout le monde avait encensé – et face auquel ce Captives apparaissait comme une pale copie toute lisse. Seulement voilà, avec un peu de recul, je me rends compte que ce que la plupart détestent chez Egoyan, c’est ce que moi j’adore. Oui, il y a clairement dans ses films un aspect que certains qualifieraient de « fade » ou de « lisse » dans sa manière de traiter ces sujets pourtant basiques, seulement moi, je le qualifierais autrement. Pour moi la manière de traiter d’Egoyan n’est pas fade ou lisse, elle est disons plutôt davantage « distante ». Et je pense qu’inconsciemment, cela perturbe les gens. Or, il se trouve que moi, j’aime être perturbé…

La singularité de la démarche d’Egoyan est, je pense, justement là. Il s’agit de prendre des schémas convenus, aux codes émotionnels bien définis, comme la liaison dangereuse ou bien encore le rapt d’enfants, et d’adopter à l’égard de ces événements un regard qui – justement – est émotionnellement distancié. Quand Egoyan regarde le père qui a perdu sa fille, la policière qui mène l’enquête, ou bien encore quand il traite du personnage du ravisseur et de ses intentions, il décide de s’éloigner d’une démarche qui vise à retranscrire les émotions à vif de chacun. Au contraire, il préfère adopter un regard posé, rationnel, et presque spectateur à l’égard de ce spectacle. Il ne juge pas. Il ne transcende pas l’émotion. Il observe juste. Il observe une réalité sans la connoter afin qu’elle nous apparaisse dans toute son entièreté, par dans la précipitation du jugement émotionnel, mais parfois dans la simple bizarrerie à l’égard de la logique. Franchement, pour ma part, de ne pas tout classer dans des cases « bien / mal », « souffrance / soulagement », « immaculé / dévasté », ça apporte un regard subtil sur la nature humaine, un regard subtil qui, du coup, pourra paraître malsain car pas suffisamment tranché. Moi c’est justement cela que j’adore dans ces films là. Leur côté « pas tranché ». Pour le coup ça m’apporte un regard nouveau, plus subtil, sur ces questions sur lesquelles l’émotionnel doit triompher avant tout. Alors oui, pour moi, toute la singularité du cinéma d’Egoyan elle est là. Sa réalisation et son style ne peuvent se récrypter à mon sens qu’à travers ce prisme là. Du coup, on est clairement dans le « on aimle / on n’aime pas ». Moi c’est simple : j’adore. Donc oui, « Captives », pour moi, c’est une de ces belles claques de l’année…

 

 

7. The Big Short : le grand casse

C’était déjà arrivé l’an dernier, eh bien voilà que ça se reproduit encore cette année-ci : mesdames et messieurs, je vous présente l’invité de dernière minute dans ce Top 10 ! Eh oui ! Pour vous dire, ce Big Short, je viens tout juste d’aller le voir, juste après la rédaction (que je pensais définitive) de cet article. C’était la petite séance de rattrapage juste avant de publier. Eh bien je peux vous dire qu’elle fait du bien, car elle vient donc enrichir ce classement d’un nouveau film à « 4 étoiles », et c’est peut dire que ce n’était pas du luxe. L’année dernière, c’était A Most Violent Year et Whiplash qui m’avaient fait le coup (excusez du peu). Ainsi m’étais-je retrouvé, comme c’est le cas ici, dans le cas assez étrange d’avoir à rédiger un retour rétrospectif sur ce film avant même d’en rédiger la critique ! Alors certes, il n’est jamais évident de juger à chaud un film que vient tout juste de voir, et de le positionner parmi des films parfois vu il y a plus plus de dix mois. Ainsi la position de ce film sera peut-être susceptible de changer avec le recul (mais si cette phrase subsiste pendant que vous la lisez, c’est que je ne suis pas revenu sur ma décision). Malgré tout, mon sentiment à son égard, semble être suffisament solide pour vous affirmer que, malgré tout, ce Big Short est pour moi un des films-clefs de cette année 2015.

Un film-clef dis-je, et pourtant, ce n’était pas gagné aux vues du début. L’air de rien, j’avais du mal à voir où le film voulait en venir tant il mélangeait les genres et les codes. Et pourtant, c’est de là qu’au final le film tire son épingle du jeu. L’air de rien, on en a vu ces derniers temps des films notables sur les récentes crises financières. Inside Job, Margin Call et Le Loup de Wall Street… Le risque de répétition de marcher sur les plates bandes d’un de ces mastodontes là était de souffrir de la comparaison à son désavantage. Et pourtant, là où j’ai trouvé ce film malin, c’est qu’il a su se positionner sur une sorte de point d’équilibre entre les trois. Il est à la fois une sorte de faux-documentaire pédago à la Inside Job, à la fois un thriller froid à la Margin Call, mais aussi une sorte de fresque d’anti-héros qu’on aime sans les aimer comme peut l’être Le loup de Scorsese. Et à jouer ainsi des codes, finalement ce Big Short parvient à faire ce que les trois autres n’avaient pas su faire avant lui, ouvrant ainsi un regard que je trouve assez neuf sur la question. En brouillant les cartes et en jouant des codes attendus, finalement ce Big Short parvient à nous rendre sensible un autre aspect qu’à révélé cette crise. Non pas la manigance, le cynisme ou l’immoralité ciomme avaient pu le faire ses trois prédécesseurs, mais tout simplement la bêtise. Et pour le coup, le film en devient glaçant. Etrange polar ou personne ne gagne à la fin, ni les voleurs, ni les volés, ni les dindons, ce film nous raconte sous des airs de films de braquages innocents une histoire absurde dont l’humanité est l’héroïne et dans laquelle tout le monde perd à la fin. Pour le coup, j’ai non seulement trouvé ça malin, efficace, mais surtout j’ai trouvé ça original. Eh bah franchement, pour cette année 2015, ce film n’était clairement pas de trop…

 

 

8. Chappie

Ah ça ! Beaucoup me les ont reprochés ces quatre étoiles que j’avais attribué à ce Chappie ! Seulement voilà, je persiste et je signe : Chappie, j’ai quand même vraiment adoré… Alors oui, pour qui voudrait s’y risquer, une mise ne garde s’impose. Non, Neil Blomkamp ne revient pas au remarquable niveau de son District 9 avec ce film. Oui, malheureusement, il en singe encore trop les codes, comme un Shyamalan qui a été lui aussi longuement hanté par le spectre d’un premier film trop réussi pour qu’on puisse l’assumer sereinement. Donc, c’est une idée sur laquelle je rejoins beaucoup de monde : Chappie est loin d’être un film sans défaut, cohérent sur toute sa lignée, subtile sur l’ensemble de sa démarche. Le manichéisme est encore de rigueur ; les méchants sont encore les mêmes et sont encore très méchants ; quant à la musique et la réalisation, elles sont souvent pompières et gâchent parfois tout ce qu’elles peuvent avoir de bon par ailleurs. Donc c’est clair qu’après vous avoir dit tout cela, vous pourriez vous demander pourquoi je maintiens mon adoration pour Chappie, pourquoi je l’assume, et pourquoi je la traduis si ouvertement en l’affichant dans ce Top. A dire vrai, pour moi, la raison est simple : même si beaucoup de trucs me gonflent dans Chappie, il y a à côté beaucoup trop de trucs que je surkiffe pour ne pas faire l’aveugle quand ça m’arrange et ainsi prendre mon pied sur ce que je suis content de retrouver là-dedans…

Alors oui, Chappie a un propos souvent basique, simpliste, et souvent très premier degré. Mais pour le coup je trouve dommage qu’on s’arrête à cela pour ne pas voir tout ce film tente et entreprend autour de ça. L’air de rien. Ce n’est pas robot dont il est question dans ce film, mais d’enfant, d’humain, d’individu. La construction de l’esprit de Chappie à laquelle nous invite tout ce film est en fait une vaste tentative pour cerner et expliciter simplement ce qui construit un individu : l’entourage, la famille, les traumatismes de l’enfance, l’expérience de l’injustice, la prise de conscience de son état mortel… Chappie est un film audacieux sur ces questions là, surtout qu’il sait le faire – et c’est nouveau pour Blomkamp – parfois avec un second degré qui manquait à ses films précédents, et qui manque peut-être d’ailleurs trop à ce film là. Avec davantage de second degré – ou mieux encore – avec moins d’éffets de surlignage (notamment avec la musique et certains dialogues un peu trop pauyvres), ce film aurait été plus léger et ses qualités formelles n’en seraient ressorties que d’autant plus. Parce que oui, au-delà de ça, il y a quand même une performance de mise en scène que, moi, je salue. Blomkamp, pour moi, au jour d’aujourd’hui (c’est-à-dire en cette fin d’année 2015), ça reste pour moi le réalisateur qui intègre le mieux les effets numériques à l’image. Or, Chappie en est encore pour moi la merveilleuse illustration. Et à cela s’ajoute une autre qualité que j’adore chez ce gars là, c’est sa capacité à faire monter sa tension et son émotion jusqu’à un climax final qui tient plus que la route. Donc oui, moi Chappie, ça me fait jouir. Et plus d’une fois. C’est certes régressif. C’est certes pétri d’erreur que j’aime pas. Mais bon, l’amour c’est aussi ça, ça rend parfois un peu aveugle, pour pouvoir apprécier mieux d’autres aspect. Face à ce Chappie, je plaide coupable, et le pire, c’est que j’en suis fier…

 

 

9. Les nouveaux sauvages

Autant vous le dire tout de suite : ce film, tel qu’on me l’avait présenté initialement, n’avait strictement rien pour me séduire. Film argentin, découpé en six saynètes indépendantes, exposant un regard critique sur la société contemporaine : tous les arguments pour ferrer le petit bobo et auxquels généralement je suis totalement insensible. Alors après – je tiens à la rappeler au cas où si c’est encore nécessaire – je ne rejette pas le cinéma pour bobos par simple anticonformisme. Qu’un film ait une origine exotique ne pèse pas en soi dans ma balance. Je trouve même ça incroyable que cela puisse peser auprès de certains. Le découpage en saynètes, moi d’expérience, ça me fait peur. Tokyo, Paris je t’aime, A touch of Sin : dans chacun de ces trois films, le découpage en saynètes cassait le rythme, créait des appels d’airs entre des intrigues inégales et, surtout, l’effet de style supplantait souvent le véritable désir de raconter une histoire pleine et entière. Alors forcément, quand on m’annonce une critique de la société contemporaine, je crie « banco ». Quand on a rien à dire dans une saynète, on se contente d’un simple exercice de style qui remet en cause la société contemporaire et basta, on s’en sort comme ça, « ni vu ni connu je t’embrouille ». Bref, quand on m’a présenté ces Nouveaux sauvages comme un film argentin, découpé en saynètes, et critiquant la société contemporaine, je me suis tout de suite dit que ce film, je me devrais de le fuir comme la peste. Heureusement que de bons amis me l’ont chaudement recommandés car, sinon, c’était évident, je ne l’aurais certainement vu, et je n’y aurais pas pris le pied que j’y ai pris…

 

En gros, Les nouveaux sauvages, c’est un film qui a su retourner un-à-un tous les préjugés que je m’étais fait sur lui. Pour commencer par la fin : cette « critique du monde contemporain » que nous vendait la distribution est en fait un joyeux décrochage en vrille qui bascule beaucoup plus dans l’absurde et la vraie satire acide que dans le simple propos convenu et plaidoyer. Vraiment, Damian Szifron s’accorde une vraie liberté de ton. Ça défouraille à tout va. Ça part totalement en sucette. C’est vraiment du débridement jouissif. Après, pour ce qui est du découpage en saynètes, le problème se révèle finalement moindre parce que Szifron a semble-t-il vraiment fait attention à faire en sorte que chacune de ses intrigues démarrent très vite, captant l’attention dès la première minute. C’est très malicieusement fait et, pour le coup, cela apporte une véritable densité au film pour le coup. Alors certes, on n’évite pas l’écueil de l’inégalité des intrigues traitées, mais bon, aucune ne m’a laissé sur le bas-côté, et je trouve même qu’elles savent se compléter l’une l’autre dans une sorte de belle cohérence. Bref, que ce film soit argentin, iranien, roumain ou japonais, au fond on s’en fout en fin de compte. Qu’il soit débridé, qu’il se lâche, qu’il se fasse plaisir est bien là tout ce qui compte. Moi en tout cas, j’ai bien pris mon pied…   

 

 

10. Asphalte

Bon bah voilà… On arrive aux limites de ce Top 10. J’ai même envie de dire qu’on l’a déjà franchi cette limite, dans la mesure où j’aborde désormais, avec cet Asphalte, un film auquel je n’ai attribué « que » 3 étoiles sur 5 possibles. Pour conclure un Top 10, c’est quand même triste. Alors certes, 3/5 c’est pas mal non plus, mais bon, dans un classement qui espère vous fournir le « meilleur », commencer à aller taper dans le 12/20, c’est quand même s’éloigner pas mal de l’idée qu’on se fait de l’excellence. On parlait juste avant des films à saynètes et de ses faiblesses, là, pour le coup, on est là-dedans. Mais bon, là où Les nouveaux sauvages avaient fait le choix de raconter les histoires les unes à la suite des autres, Samuel Benchetrit a lui fait l’effort de mélanger ses trois histoires, switchant successivement de l’une à l’autre. Pour moi, c’est effectivement la meilleure manière de s’y prendre pour donner plus d’homogénéité à son film, mais bon, quand l’écart qualitatif entre les histoires est trop fort, eh bah ça se casse la gueule quand-même…

 

Alors après, je ne vais pas vous la faire à l’envers non plus. Si je vous mets cet Asphalte en tête de mes films « pas trop mal » c’est parce que – quand même – au fond je l’aime bien. D’ailleurs, le seul truc que je lui reproche, c’est d’avoir foiré une histoire sur les trois. Alors certes, comme le film est bien découpé de telle manière à ce qu’on suive les trois histoires plus ou moins en même temps, celle qui pose problème n’est juste qu’une pose qu’il faut savoir accepter en attendant le retour au reste qui m’a plus intéressé. Après tout, deux sur trois, le ratio reste quand même bon, surtout que la démarche globale de Benchetrit tient carrément la route. Seulement voilà, j’avoue ne pas comprendre qu’on ait pu croire dans ce film qu’on pouvait juxtaposer sans problème d’un côté ces intrigues simples, adorablement absurdes et touchantes qui concernent l’ami Sterkowitz et l’adorable Mamie Aziza, et de l’autre ce pensum lourdaud de lien entre les générations et les milieux sociaux incarné par ce duo horripilant et tête à claques constitué d’Isabelle Huppert et de Benchetrit-fils. Alors voilà, si on en vire un tiers, ce film serait merveilleusement touchant et gagnerait une étoile facilement, ce qui le ferait siéger dans ce top sans contestation aucune de ma part. Seulement voilà, ce tiers est là, mais il n’y a pas de concurrence. Donc l’un dans l’autre, il va falloir accepter la présence de cet Asphalte ici. Chacun en pensera ce qu’il en voudra… Après tout, conclure ce Top 10 avec un film aussi inégal et perfectible qu’Asphalte, c’est finalement donner une image bien représentative de ce que cette année 2015 avait de meilleur à nous donner…

 

 

La seconde partie de ce Meilleur de 2015, c'est par ...

 

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