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22 décembre 2010 3 22 /12 /décembre /2010 15:07

 

Et voici que l'année 2010 se conclut doucement mais sûrement en ce mois de décembre, et avec elle aussi cette décennie 2000… Encore une année à écumer les salles obscures, mais en fin de compte, quand je regarde le travail accompli sur mon blog pour commencer à en tirer un bilan, je me rends compte que cette année fut bien faiblarde au niveau de mon écriture. A cela une explication, si j'ai si peu écrit c'est que je n'ai pas vu l'année passer, et si je n'ai pas vu l'année passer c'est qu'elle ne m'a guère émue. L'année n'est pas encore tout à fait finie et j'ai déjà plus de 100 films au compteur, or pourtant il ne me suffirait seulement que d'une main pour vous citer les films qui m'ont vraiment bougé. Et encore ! Parmi ces cinq films, l'un d'eux a été distribué en France de manière tronquée suite à la pression des distributeurs (cf. Mr Nobody) et un autre n'a même connu le plaisir de la distribution dans notre cher hexagone (cf. Moon). Finalement, si je veux trouver un sujet suffisamment audacieux et riche d'interprétation pour à nouveau discuter cinéma avec vous autour d'un film, c'est encore dans la case des films étrangers bannis des salles hexagonales qu'il va me falloir aller piocher. Son auteur est pourtant devenu une pointure du septième art en signant le scénario d'American Beauty, et s'est même acquis une notoriété réelle via la petite lucarne, notamment en lançant deux monstres de la série télé, Six Feet Under et plus récemment True Blood… Cet auteur, c'est Alan Ball. Et comme le sous-entend si gracieusement cet article par un jeu de mot très fin, Alan Ball c'est ce genre d'auteur qui semblent malheureusement se faire de plus en plus rares sur nos écrans de nos jours : ce sont les auteurs à burnes…

 

 

 

Le malaise de l'audace…

 

 Une fois de plus, l'ironie touche le cinéaste en étant frappé par ce qu'il dénonce. Pour ses premiers pas derrière la caméra, en tant que scénariste ET réalisateur, Alan Ball décide de nous emmener en terrain connu puisque ce Towelhead nous conduit tout droit dans une banlieue de la middle-class (cela ne vous rappelle rien ?), au sein de quelques familles assez singulières mais en même temps tellement classiques (toujours rien ?) pour en ausculter les rapports humains, notamment au sein de la famille et de la jeunesse (non vraiment rien ?). C'est sûr qu'il ne faut pourtant pas longtemps pour penser à American Beauty quand on se retrouve confronté à ce Towelhead, tant la façon d'étudier et d'écorcher le modèle socio-moral américain nous rappelle le film qu'Alan Ball avait auparavant écrit pour Sam Mendes, même si ce coup-ci, Sam Mendes est en moins. Ici, le personnage central est une jeune adolescente de treize ans, Jazira, dont on voit l'éveil se heurter à toutes les conventions morales qui pèsent sur elle. Alors bien sûr, avec une telle présentation, on imagine tout de suite une oppression en provenance de ces parents musulmans très traditionalistes, ou bien encore la pression extérieure d'une Amérique stigmatisant les populations arabes. C'est vrai qu'il y a de ça, d'ailleurs le film s'appelle Towelhead, ce qui pourrait littéralement se traduire par « bougnoule ». Alors oui, c'est vrai que cette pauvre Jazira subit les pressions de son père Rifat ou bien les moqueries ou suspicions de ses voisins ou camarades d'école, mais Rifat n'est pas l'intégriste barbu que la caricature aurait imposé : c'est un homme élégant et beau-parleur, aussi contradictoire avec ses principes qu'ambigu dans l'identité qu'il aime présenter à son entourage. De même, les « bougnoules » et autres « têtes de chameau » fusent dans l'école, mais les amis de Jazira sont malgré tout nombreux, entre la blondinette Denise ou le black boyfriend Thomas. A dire vrai ce ne sont pas ces sujets de tolérances « éthniques » qu'Alan Ball entend traiter par cette histoire. C'est finalement presque devenu commun et accepté de nos jours ce type d'opprobre contre ce genre d'intolérance… Non, Ball vient nous titiller l'esprit sur un autre type d'intolérance qui est elle beaucoup plus acceptée et difficilement abordée par nos sociétés actuelles. Le bonhomme se montre d'autant plus audacieux qu'il n'a pas peur de mettre les pieds dans le plat en adoptant une liberté de ton aussi audacieuse que gênante pour certain : et ce sujet c'est les moeœurs sexuelles…

Summer Bishil. Warner Independent Pictures Summer Bishil et Peter MacDissi. Warner Independent Pictures Maria Bello et Summer Bishil. Warner Independent Pictures

« Le sexe ? Un sujet d'intolérance dans nos sociétés ? Un tabou au cinéma ? » C'est peut-être ce qui vous est venu à l'esprit en lisant les derniers mots du paragraphe précédent. « Que de progrès au contraire ! » clameront certains. Jamais un sujet a autant évolué ces dernières décennies si bien qu'il s'exprime presque librement dans nos sociétés. Le sexe n'est plus vraiment un tabou, surtout au cinéma où il s'affiche ouvertement dans les comédies, les romances ou les tragédies. C'est ce qu'on serait effectivement en droit de penser, mais Alan Ball entend justement nous montrer que beaucoup de travail reste à faire, et pour cela, il montre toutes les incohérences de notre société en sachant mettre le doigt là où ça fait mal. Peut-être qu'à l'âge adulte nous avons fini par accepter nos moeœurs sexuelles et qu'elles nous semblent couler de sources, mais en prenant pour sujet l'épanouissement sexuel de la petite Jazira, on montre à quel point ces normes sexuelles sont encore très rigides et qu'elles font souffrir par leur intolérance à l'égard de la libre expression en ce domaine. Jazira n'est pas une jeune femme dévergondée, c'est une jeune fille bien sage et bien obéissante, assez timide, mais qui – comme tout le monde – va connaître un éveil sexuel qu'on cherchera à brimer. Car finalement c'est de cette intolérance là dont souffre le plus Jazira dans ce film d'Alan Ball. Quand il s'agit d'être traité de « Towelhead » par le petit voisin ou les camarades, son père est avec elle, les coupables sont gênés, l'opprobre se jette sur les intolérants et les ennemis de l'expression de soi. Par contre, quand Jazira voudra fantasmer sur des magazines, coucher avec son petit copain, ou bien être prise en photo toute nue – et cela juste parce que ça lui plaît – elle subira le pire des dénigrements de la part de tous. C'est à ce dénigrement qu'Alan Ball nous confronte dans ce Towelhead, c'est cette souffrance de voir son épanouissement brimé qu'il va chercher à nous faire vivre dans son film. Ainsi le cinéphile sincère avait donc tout pour trouver dans cette œuvre une source de jouissance assez rare parce qu'unique ; et même le cinéphile mondain pouvait se satisfaire d'un « message social » fort et « utile » … Et pourtant le poids des préjugés et la pression des mœoeurs grégaires l'ont emporté. Le scénariste oscarisé ne pourra pas sortir son film en France, faute de distributeurs. Quels arguments peut-on trouver pour juger du caractère non-bankable d'un film d'une telle portée universelle, réalisé par celui qui est aujourd'hui reconnu comme l'un des meilleurs conteurs d'histoire d'Amérique (Oscar à l'appui), et interprété par des acteurs aussi prestigieux qu'Aaron Eckhart et Toni Collette ? Un seul semble avoir pesé dans la décision : comment vendre un film qui expose si ouvertement la sexualité d'une adolescente sans faire naître le malaise chez les spectateurs ?… Alors visiblement parler de sexe : oui… Mais aborder les champs de cette morale sexuelle qui restent sujet à polémique : non. Voilà comment subir le plus implacable des ostracismes. Ainsi Alan Ball subit-il le même sort que son personnage principal Jazira : il est banni pour simplement avoir voulu s'exprimer trop librement sur un sujet que la société n'entend pas vouloir aborder…

 

 

 

Alan et Jazira : la liberté qui dérange…

 

 

Mais qu'est-ce qui peut nous déranger à ce point dans la façon qu'a eu Alan Ball d'aborder la sexualité, et notamment la sexualité adolescente ? La réponse est finalement dans ce film, tant cet auteur a su, une fois de plus, aborder la question avec beaucoup de minutie et de réflexion. Ce que subit Alan, c'est finalement ce que subit son héroïne. A vouloir s'exprimer librement, ils bousculent beaucoup de normes figées sur lesquels peu osent se remettre en question : ce qu'on est droit de tolérer et d'accepter comme pratique chez nos enfants ou bien encore ce qu'on doit laisser exprimer ou corriger comme pensées chez eux. Car, le problème avec Jazira comme avec tous les enfants, c'est qu'ils révèlent par leur épanouissement que la réalité des aspirations personnelles qu'expriment chacun d'entre eux ne correspond pas à ce que la société considère comme sain et naturel. Et le dilemme que cela pose relève clairement de notre posture d'adulte ou de parent à l'égard de ces aspirations personnelles qui vont à l'encontre de nos mœoeurs. Devons-nous « cadrer » l'enfant pour qu'il rentre dans le moule social, ou au contraire accepter l'idée de remettre en question les barrières morales qui pèsent sur eux, mais qui sont aussi susceptibles de révéler combien nous nous sommes imposés nous même une prison qui nous contraint peut-être ? Accepter la liberté sexuelle de l'adolescent, c'est accepter de reconnaître que les bases morales qui nous régissent sont injustes et donc que nous nous sommes peut-être bridés et frustrés à tort, brisant ainsi notre dynamique d'épanouissement personnel. Car c'est bien cela qui se passe lorsque l'on redécouvre l'épanouissement sexuel de l'adolescent avec le recul de l'âge adulte : on redécouvre les limites que l'on s'est peut-être à tort fixé et qui expliquent nos problèmes et désillusions actuelles. Car dans Towelhead, ce n'est pas le fait que Jazira soit un individu sexué qui pose problème. Le problème c'est que cette identité sexuelle spontanée ne s'exprime pas dans les normes dans lesquels nous, adultes, nous avons tous fini par nous confiner.

Aaron Eckhart. Warner Independent Pictures Aaron Eckhart et Summer Bishil. Warner Independent Pictures Toni Collette. Warner Independent Pictures

Car oui, pour ceux qui ont vu ou vont voir Towelhead, vous découvrirez que ce qui dérange les parents, professeurs et voisins de Jazira, ce n'est pas vraiment ce qu'elle fait qui gêne, mais c'est ce qu'elle en pense. Qu'elle tombe sur des magazines pour adultes exposant des jeunes filles en position plus que suggestives, c'était chose blâmable mais prévisible : après tout, comme tout adolescent, elle veut savoir. Le monde adulte blâme mais il est prêt à excuser parce qu'après tout la petite Jazira ne sait pas que c'est mal. Ce qui dérangera donc le plus l'adulte qui surprend Jazira en pleine lecture, ce ne sera donc pas qu'elle ait voulu découvrir ce que contenaient ces magazines, mais c'est plutôt qu'elle y ait pris du plaisir. Loin d'être rebutée, elle en a joui. Ce qui dérange c'est que Jazira ne comprenne pas la culpabilité du plaisir propre à notre société judéo-chrétienne, tout comme cet interdit – tout aussi judéo-chrétien lui aussi – de l'attraction homosexuelle. Ce qui dérange aussi les adultes par rapport au comportement de Jazira, c'est qu'elle ne perçoive pas non plus une sexualité enfant/adulte comme malsaine. Elle sait que son quadragénaire de voisin est attiré par elle, et même si celui-ci essaye de refouler ses pulsions à l'égard de la jeune adolescente, elle n'y voit aucun mal. Pour elle, l'adulte n'est pas un prédateur, il est un initiateur sexuel et une source de fantasme, comme sa copine Denise peut-être attirée par son professeur pour les mêmes raisons. De même, ce qui dérange les adultes de Towelhead, ce n'est pas que Jazira aime la nudité, c'est plutôt qu'elle ne voit aucun caractère malsain au fait de poser de manière suggestive auprès d'un photographe peu scrupuleux et ainsi s'exposer sans gêne comme un être sexuellement désirable et désireux. Aux pays de la liberté, que ce soit chez nos amis américains ou chez nous, la liberté est un fondement, un idéal, un combat… Un pays tout entier se battra pour la liberté de chacun à exprimer son opinion politique, à pratiquer sa religion, à faire valoir ses droits sociaux d'individus… Et, comme signe d'attachement à ces valeurs, nous les inculquons, à nos enfants, parfois de force quand ceux-ci se montrent intolérants. Pourtant voilà, dans Towelhead, on blâme ceux qui attaquent les origines, les opinions et les droits de Jazira en tant que personne libre d'exprimer ses opinions, sa religion et ses droits. Par contre c'est elle qui est attaquée quand elle exprime sa sexualité. Finalement, le film s'appelle Towelhead pour que les spectateurs qui découvrent le film comprennent que le sujet du propos sera la soumission à l'intolérance. Seulement la vraie insulte qui blesse Jazira dans ce film ce n'est pas Towelhead, la « bougnoule », mais plutôt « Slut » : la traînée. Pourtant, si le film s'était appelé ainsi, il n'aurait pas été aussi sûr que le public le perçoive comme un message d'intolérance alors que, pourtant, il remplit exactement la même fonction que l'insulte « bougnoule »… Il est pourtant là tout le message d'Alan Ball : il est dans la décortication d'interdits moraux qui blessent tout autant un individu que le racisme ou l'intolérance religieuse, mais dont la société refuse la remise en cause de peur de voir tout leur système de valeurs s'écrouler…

 

 

 

Alan Ball, coupable d'ambiguïté?

 

 

Alors, certes, certains pourront défendre l'existence d'un système de valeur aussi rigide. Après tout, de la même manière qu'un enfant n'est pas en âge de voter avant sa majorité, pourquoi le considérer comme pleinement libre dans ses pratiques sexuelles ? Après tout, Jazira souffre peut-être des limites qu'on peut lui imposer lors de son épanouissement sexuel, mais elle pourrait souffrir davantage si on la laissait vulnérable à toutes les prédations sexuelles qui l'entourent. Le voisin est peut-être un possible initiateur sexuel, mais il est également un potentiel violeur pédophile profitant de l'innocence de la jeune fille pour aller plus loin qu'elle ne voudrait aller. De même, le goût d'être photographiée comme un être désirable et désireux expose la jeune fille à ce que ces photos, prises par un photographe peu scrupuleux, aillent trop loin et soient diffusées au-delà du souhait de la jeune fille… La liberté implique du danger, surtout pour les enfants dont la crédulité et l'insouciance peuvent être exploitée par des adultes mal avisés. Il serait donc aisé, effectivement, de voir dans ce Towelhead un film moralement scabreux dans le propos qu'il défend, racoleur parfois, et même tendancieux dans la mesure où il pourrait être perçu comme un propos minimisant le caractère criminel de la pédophilie ou de l'exposition des enfants à des œuvres à caractère pornographique. Après tout, le mal est moindre parce qu'elle était consentante diront certains… Pourtant, cette accusation me semble totalement injustifiée pour une œuvre comme Towelhead. Justement, la force de ce film est qu'il n'élude pas cette dimension : les mésaventures de Jazira dans le film le démontrent le bien. Seulement Alan Ball ose affirmer que cette protection sexuelle des enfants se fait aussi au prix d'une réelle violence adressée à l'encontre de leur épanouissement individuel. Parfois même, Ball montre que cette violence relève moins d'un souci de protection que d'une volonté égoïste de ne pas remettre en cause l'ordre établi. Une remise en question des moeœurs sexuelles s'impose, et ce qui dérange le plus dans ce film au final ce n'est pas qu'il défende des positions condamnables, bien au contraire ! C'est justement parce qu'il n'est pas dans la démarche extrême, dans le propos outrancier ou scabreux qu'il met mal à l'aise. Towelhead est avant toute chose un film qui tire sa force, et son malaise, de son ambiguïté

Summer Bishil. Warner Independent Pictures Aaron Eckhart. Warner Independent Pictures Summer Bishil et Toni Collette. Warner Independent Pictures

Finalement, voilà peut-être la raison d'une non-distribution en France d'un tel film pourtant si audacieux. Towelhead n'est pas un film au message consensuel, Towelhead n'est pas un film aisément classable dans la catégorie des films ouvertement provocateurs et racoleurs ; Towelhead n'est pas un film qui met le spectateur dans un mode de pensée automatique. Non, Towelhead, n'a pas de message pré-écrit, de valeur déjà acceptée par la société et qu'il se contenterait juste de scander. Non, Towelhead est un film qui appelle à une démarche personnelle de l'esprit, qui ne tranche ni le bien ni le mal à grands coups de couteau. Alors oui, cela peut mettre mal à l'aise de savoir qu'un pédophile n'est pas un grand animal prédateur dénué de toute humanité, mais qu'il peut être un gars sympa et respectable qui a juste une frustration sexuelle qui date de l'adolescence… Alors, c'est vrai aussi que cela peut mettre mal à l'aise de se dire qu'en acceptant le petit copain de Jazira à venir passer la nuit à la maison les adultes favorisent forcément le fait qu'ils aient des rapports sexuels ensemble alors qu'ils ne sont qu'enfants... Ces situations sont peut-être difficiles à accepter parce qu'elles sont difficiles à trancher. Mais justement, c'est bien là toute la démarche d'Alan Ball : ne pas faire en sorte que les gens tranchent les débats brutalement, sans réfléchir. Au contraire, il invite à ce que chacun d'entre nous cherche et définisse par nous même où se trouve le bien et le mal de chacune de ces situations… Est-il vraiment dans le sexe ou dans l'absence de précautions liées au sexe ? Est-il dans l'écart d'âge des partenaires ou dans la manipulation de l'un par l'autre ? Est-il dans l'exposition des adolescents au sexe, ou bien dans la façon par laquelle ils y ont été exposés ? La vérité c'est que ce film dérange – et donc n'est pas sorti – non pas parce qu'il cautionne ou atténue la gravité de certains actes, mais parce qu'il nous appelle à tous les requestionner intérieurement. Oser aborder les sujets qui dérangent ; oser faire se poser au spectateur les questions qu'il n'ose pas se poser, c'est ce qu'on appelle de l'audace. Eh bien en France, on a visiblement considéré que l'audace n'avait pas sa place dans nos salles obscures. Les distributeurs ont jugé par eux-mêmes que c'était trop perturbants pour les spectateurs. L'idéal aurait été de nous laisser juger par nous même de ce que nous aimons et de ce que nous n'aimons pas car, contrairement à Jazira, nous ne sommes plus des enfants…

 

 

 

Conclusion : plus qu'une obsession sexuelle, une obsession sociale...

 

 

Finalement la voilà aussi la raison de cette année terne. Au final ce n'est pas l'inexistence de films percutants qui fut un problème. Oh que non ! Le problème fut que ces films qui pouvaient me faire vibrer au cinéma n'ont jamais été projetés dans une salle obscure hexagonale. Tout cela pourquoi ? Parce que l'audace est jugée inexploitable commercialement. Qu'on nous farcisse de films bien-pensants, de spectacles bourrins édulcorés, franchement passe encore… Mais que des petits merdeux d'HEC chassent les cinéphiles et cinéastes de l'industrie du cinéma pour en faire une machine standardisée à générer du pognon, moi je dis « merde ! » Pour moi le cinéma n'est pas qu'un banal moment de détente qui sert à me déconnecter de mon quotidien l'espace d'un instant, ce n'est pas mon shoot de la fin de semaine… Le cinéma est aussi et avant tout un art, c'est-à-dire un média qui permet la communication et la transmission d'idées et d'émotions. Il contribue à l'épanouissement de l'individu que je suis autant que la lecture d'une presse libre contribue à me construire une opinion personnelle sur ma société et mon monde. Que des businessmen empêchent la libre circulation de l'art parce que ceux-ci ont mis la main sur l'industrie du cinéma correspond pour moi à nuire aux droits fondamentaux dont je suis sensé jouir dans notre société. Il est honteux qu'un auteur comme Alan Ball se retrouve marginalisé parce que c'est un auteur audacieux, et qu'on juge pour lui et pour nous si un public existe pour ses films.

Le réalisateur Alan Ball et Summer Bishil. Warner Independent Pictures

Le temps est vraiment venu de ne pas laisser mourir des films comme celui-ci ; le temps est venu de ne pas laisser tomber des auteurs comme Ball qui osent nous divertir avec des œuvres intelligentes et ambiguës. Car, pour ceux qui jusqu'alors ne connaissaient pas Alan Ball, il est désormais temps pour vous de vous intéresser à cet auteur qui, loin de se limiter à la question aux mœoeurs sexuelles de nos sociétés (même si c'est également le sujet d'American Beauty et de True Blood) aborde en fait la question plus générale des incohérences de nos systèmes de valeurs. Car, justement, je pense que si Ball est aussi intéressé par la question sexuelle, c'est plus parce qu'aujourd'hui c'est le principal tabou, le principal archaïsme qui ait subsisté des anciens temps et qui n'ait pas connu sa révolution libérale. Ball aime voir comment une société parvient à se détruire de l'intérieur parce qu'elle est incapable de se libérer du fardeau des superstitions et autres vérités établies. A mes yeux c'est donc incontestable : Alan Ball fait partie de ces auteurs qui ont un regard trop subtil et trop pertinent sur le monde pour qu'on puisse permettre qu'on nous en prive. Peut-être que si nous montrons à l'avenir notre intérêt pour ce type de films, alors enfin sortiront-ils au cinéma et pourront ainsi orner les tops de fin d'année…

 

 

 



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