Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
12 août 2013 1 12 /08 /août /2013 23:59

http://fr.web.img6.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/213/21021353_20130719174838522.jpg

 

Cette semaine (pour info, j’écris cet article le 12 août 2013) est sorti Chennai Express, l’une des rares productions bollywoodiennes dont les distributeurs ont acceptés de nous faire grâce cette année. Vous devez me voir venir : « Ah cet homme-grenouille ! Combien d’articles n'a-t-il pas déjà consacré à la magie du cinéma venu d’Inde ? Combien de fois nous a-t-il invité à sauter le pas ? » Cela fait même partie de mes plus anciens articles parus sur ce blog (sept ans l’air de rien…) C’est vrai, seulement voilà, je ne pourrais pas voir Chennai Express au cinéma, ni cette semaine ni les suivantes. Et pour une raison bien simple : il ne sort que dans douze salles, et aucune à Lille, ma ville tant aimée… Vous pensez à nouveau me voir venir ? « Ah l’homme-grenouille ! Il va encore vilipender le manque d’audace des distributeurs, leur dictature de la pensée à vouloir définir ce que nous voudrions voir ou pas, tuant ainsi la diversité des projections, et bla bla bla… » Alors vous n’auriez pas totalement tort. Je le pense, c’est vrai : vive la diversité, haro aux businessmen dans le monde du cinéma, etc… etc… Mais vous n’auriez pas non plus raison. Ce n’est pas de cela dont je comptais vous parler. Ce que je voulais vous dire en parlant de Chennai Express, c’est que je ne le verrais sûrement pas parce que… je n’en ai strictement rien à foutre de Chennai Express ! 

 

 

http://fr.web.img2.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/213/21021349_20130719173626105.jpgOui… Oui, oui. Relisez bien. Je le réécris pour être sûr que ce ne soit pas une coquille ou un de mes loupés syntaxiques légendaires. J’en ai strictement RIEN A FOUTRE de Chennai Express… (Avez-vous vu comment je me délecte de ma propre vulgarité ? Mmmh…) Alors là, vous devez déjà vous dire que je suis en train de faire un magnifique pied-de-nez à tout ce que j’ai pu dire sur beaucoup d’articles… L’enrichissement qu’apporte le cinéma indien au cinéma mondial, notre nécessité à nous Occidentaux, d’apprendre à nous ouvrir à leurs codes, le plaisir de savoir percevoir leur magie une fois ces codes dépassés et donc le devoir – presque ! – d’en découvrir chaque pépite… Tout cela va donc être balayé d’un revers de la main en un seul article ? Eh bien oui... mais pas vraiment non plus ! Certes, je considère toujours que c’est cool qu’il existe autre chose que du cinéma occidental. Certes, je considère toujours qu’il faut savoir s’adapter à d’autres codes que les siens pour faire des découvertes, et que cela marche aussi et surtout pour le cinéma indien. Enfin – certes toujours ! – quand on dépasse ces codes, on a accès à une forme de magie assez unique. Seulement voilà, je revendique maintenant mon droit à en avoir ras le cul du cinéma indien. Chennai Express vous dites ? Encore une histoire d’amour impossible qui dure 2h20, qui va chanter dans tous les coins, et avec Shah Rukh Khan en acteur principal ? Encore lui ? Putain mais il approche la cinquantaine ce mec ! Ils ont personne d’autres ou quoi ? Alors, bien sûr, il y a d’autres acteurs indiens ! Bien sûr aussi, il n’y a pas que les grosses productions qui nous arrivent chez nous qui font Bollywood, de la même manière que Bollywood ne fait pas tout le cinéma indien… Mais seulement voilà, j’estime avoir déjà pas mal donné, j’ai encore donné récemment pour confirmer mon sentiment. Le fait est que maintenant, avec le temps, avec l’accumulation, ou peut-être pour une autre raison, ça me gonfle. Et je persiste et je signe : je pense pouvoir revendiquer mon droit à dire que, maintenant, Bollywood, c’est un cinéma en dessous du reste, un cinéma qui me plait moins, un cinéma qui n’est pas si magique que cela. Certes, c’est un virage à 180° que j’opère là en seulement sept ans… Mais j’estime qu’il nous est légitime, à tous autant que nous sommes, de revendiquer notre droit à retourner notre veste, tant bien même cela va remettre en cause d’autres articles présents sur ce blog… Et j’entends justement vous expliquer pourquoi…

 

 

 

« Mais toi non plus, tu n’as pas chanchééééé… »

 

 

http://fr.web.img3.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/67/43/36/19001308.jpgAlors oui… Des défenseurs de Bollywood désormais, je passe dans le camp des détracteurs. Ce cinéma ne me parle pas. Il ne me parle plus. Pire, il incarne peut-être une bonne partie de ce que je n’aime pas dans le cinéma. Alors que s’est-il passé ? Le cinéma de Bollywood aurait-il changé ? Eh bien justement non. C’est l’avantage avec tout ce qui est indien, c’est que « tout bouge pour que rien ne bouge » (Qui a dit ça d’ailleurs ? Un gros bisou pour qui me retrouve ça…) Chennai Express doit certainement être comme Om Shanti Om !, qui est lui-même comme Veer-Zaara, qui est lui-même comme la Famille Indienne, qui est lui-même comme Dilwale Dulhania Le Jayenge (les plus grands succès de Bollywood… et tous avec l’ami Shah Rukh !) Serait-ce alors moi qui ai changé ? Peut-être… Sûrement… Quand j’ai un doute sur une perte de sensibilité, j’aime bien me revoir mes classiques, histoire de vérifier. Pour le cinéma occidental, jamais de problème : ça me conforte dans mes passions et dans mes sens. Par contre, pour ce qui concerne le cinéma du sous-continent, mes petites perles d’hier sont devenues des fardeaux aujourd’hui. Et, mis à part peut-être Devdas et surtout Lagaan, (que je continue d’adorer malgré tout… Comme quoi, il y a toujours une exception à la règle…), chaque grand classique revu m’a juste été insupportable. Je vantais la grandiloquence de la réalisation, je la trouve maintenant affreusement grossière. J’aimais cette mièvrerie assumée, je la trouve désormais atrocement ringarde et imbuvablement surfaite. Et puis surtout, il y a ce symbole qu’est Shah Rukh Khan. Certes, je n’ai jamais été fan, mais comment ais-je pu écrire un jour qu’il avait un « certain charisme dont il savait souvent jouer avec malice » ??? Ce mec – je suis désolé – mais je trouve que c’est vraiment un acteur pitoyable. Je ne sais pas dans combien de films il a joué mais il joue TOUJOURS le même rôle. Il n’a AUCUNE subtilité. C’est de l’emphase à tout va. L’émotion amoureuse chez lui, c’est des tremblements de lèvres et de chevrotement de la voix digne d’un Parkinson. Donc je vous laisse même pas imaginer comment j’ai perçu son interprétation « toute en subtilité » d’un autiste Asperger dans le fameux My name is Khan. Désolé Shah Rukh : certes, ton nom est Khan, mais sinon oui, tu es un bien un terroriste... pour tout le film, voire même pour tout le cinéma indien. Mais bon, voilà… Peut-être que je ne supporte plus ces films parce que, tout simplement, depuis un moment, je tourne en vase clos, parce que je ne découvre plus de nouveautés... C’est ce que je me suis dit un moment ... Il me fallait d’autres films pour m’y fier. Autres que des romances, autre que des classiques... Je me suis fait une petite cure de ce qui avait été fait l’an dernier : le thriller Table n°21 ; la comédie satirique OMG – Oh My God ! ; la parodie à la Machete, Dabangg 2 ; et même le dernier ChopraJusqu’à mon dernier souffle - histoire de renouer avec la romance classique (…et avec Shah Rukh Khan… cool). Résultat,  je confirme : Bollywood ce n’est plus du tout pour moi…

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/36/02/83/18884811.jpg« Oh allez, me dit la petite grenouille qui chante en hindi dans mon esprit, tu es tombé sur des films pourris, mais ne perds pas ta foi en l’amouuuaaaouur… » (Saloperie de grenouille qui chante en hindi, ça dure toujours des plombes ses complaintes !) Alors oui, on pourrait dire que je n’ai pas de chance, que je subis la disette française par rapport au cinéma indien… Ou alors on pourra me reprocher de ne plus avoir le goût de l’effort. Voire même, on pourrait me blâmer d’avoir changé de regard inconsciemment, que ce regard qui s’est depuis acclimaté à l’exotisme ne voit plus une qualité et une magie qui sont pourtant toujours là… Aucune de ces explications n’est impossible, mais après avoir tourné le problème dans tous les sens, je reste persuadé d’une chose. Certes les films n’ont pas changé, Bollywood non plus. C’est mon regard qui a changé. Pourquoi ? Comment ? Pour quelle raison ? Pour moi la raison me semble simple. Mon regard a changé parce que J’AI changé. Quand j’ai découvert le cinéma indien, j’avais 22 ou 23 ans… Aujourd’hui j’ai 30 ans… Je ne suis plus le même gars. C’est donc logique que je ne sois plus le même cinéphile. Et pour moi ce n’est pas qu’une question de nombre de films vus, de nouvelles expériences cinéphiliques tentées depuis ou, peut-être tout simplement d’une certaine lassitude ou exigence qui s’est durcie avec l’âge. Il y a de ça aussi, c’est vrai… Mais il y aussi le fait qu’en sept ans, mon regard sur le monde a également changé, mon regard sur la femme, sur l’amour...  sur l’Inde même. Ces changements font que des trucs qui pouvaient passer auparavant ne passent plus aujourd’hui, que des choses qui pouvaient toucher une corde sensible autrefois ne font plus rien vibrer aujourd’hui. Oui, l’humain est un être changeant car évolutif… Et le cinéphile étant un être humain, lui aussi évolue et change. Et tant mieux ! Il y a eu hier, il y a aujourd’hui, et il y aura demain… J’ai le droit de ne plus être celui que j’étais auparavant, et je le revendique… Comme on doit savoir se libérer du goût et de la bien-pensance des autres, on doit aussi savoir se libérer de celui qu’on n’est plus. Après tout, je ne vois pas pourquoi je devrais désormais porter ce fardeau du cinéma indien parce que j’ai décrété dans mon passé que j’adorais ça. Après tout, peut-être qu’à 50 ans je rejetterai Kubrick et j’embrasserai Kechiche ! Et ce sera encore mon droit si c’est là ce qui correspond le plus à mes sentiments ! Comme aujourd’hui je ne dois pas être l’esclave de la pensée unique du monde parisiano-bourgeois, demain je ne dois pas devenir l’esclave de ma propre pensée unique, celle d’un passé pourtant révolu. Après tout, où serait le problème à penser et agir ainsi ?

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/68/35/62/19022210.jpgEt c’est à ce moment de mon propos que c’est à mon tour de prendre le temps de me relire, afin de prendre conscience de ce dont il est vraiment question… « Embrasser Kechiche ?!! » …La vache… C’est vrai qu’on peut changer des fois en mal. Et pourtant qui sait ? Peut-être que dans vingt ans je revendiquerai autant mon droit à avoir retourné ma veste. Je préfèrerais penser que ça n’arrivera jamais. Quel odieux personnage serais-je devenu si je me mets à vanter les mérites de l’Esquive ? Un petit bourgeois pantouflard qui s’extasie face à un milieu qu’il ne côtoie plus – la banlieue – justement parce que je me serais replié dans mon petit microcosme de privilégié, persuadé pourtant, comme tout privilégié que rien ne m’échappe du haut de ma tour d’argent et que je connais parfaitement le monde même si je le regarde de loin et sans bouger… Oh merde ! Plutôt crever que de devenir comme ça ! Et là du coup se pose la question ultime. Et que dirais l’homme-grenouille d’il y a sept ans s’il apprenait justement mon reniement des plus grands classiques de Bollywood ? Y verrait-il un signe de dégénérescence ? Y verrait-il une petite mort (au sens littéral du terme, c'est-à-dire le sens pas sympa) ? Y verrait-il peut-être… une trahison ? La question pour moi est là. Et si, cher lecteur, vous accordez autant d’importance que moi au fait de se rester fidèle à soi-même, la vraie question qu’il conviendrait alors de se poser serait alors la suivante. Dois-je prendre le risque de me renier ? Pire, au nom du plaisir ressenti, ne suis-je pas en train de me trahir et de me dévoyer sans m’en rendre compte ?

 

 

 

« Par Vishnou ! Tu renies donc notre mariage éternel ? »

 

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/35/58/85/18409976.jpgArrivé à ce second paragraphe, j’ai déjà dû perdre la moitié des rares lecteurs qui s’étaient risqués à me lire. Ce serait dommage, parce que je trouve que cette question qui s’est posée à moi concernant mon rapport à Bollywood possède – je pense – une portée assez universelle, que ce soit en terme de cinéphilie ou bien même par rapport à notre parcours de vie. On change… C’est un fait. Mais on change parfois à tel point qu’on se contredit. Est-ce parce qu’on était con avant et qu’on avait rien compris à la vie ?… ou bien est-ce qu’au contraire on se transforme en vieux con sans s’en rendre compte ? Ce genre de contradiction devrait m’interpeller. Je ne suis plus fidèle à mon approche légère et enthousiaste de Bollywood. Que faire ? Qu’en penser ? Comment devrait-on appréhender ce type de changement lorsqu’on s’y retrouve confronté ? Par exemple, pour moi, qui aime poster des critiques pour livrer mes sentiments à l’égard des films, la question se pose sur ce que je dois faire des critiques de films suivants : Kuch Kuch Hota Hai, New-York Masala, Black, la famille indienne… Des films auxquels j’ai mis quatre ou cinq étoiles et dont je vante la tonicité et l’élan de fraicheur… Oui mais de fraicheur par rapport à quoi ? Aujourd’hui, ces critiques, ce n’est plus moi du tout. Ce n’est plus ce que je pense ; ce n’est plus ce que ressent. Seulement voilà… C’était bien ce que je pensais et ressentais quand j’ai découvert ce film. Quel avis est le plus intéressant pour quelqu’un qui part à la découverte du cinéma indien ? …et pour quelqu’un qui y est rompu ? Serait-ce honnête de conseiller ces films alors qu’aujourd’hui je ne les supporte plus ? D’un autre côté, peut-on décemment tailler en pièce un film en disant de lui qu’au bout de trois ou quatre fois il finit par lasser et que c’est donc une merde ?

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/35/06/13/p3.jpg

 

Bien évidement, la solution la plus adéquate semble toujours être l’intermédiaire, et c’est d’ailleurs celle que j’adopterai sûrement. En substance, je dirais qu’il y a longtemps, quand j’étais bien innocent, je m’étais laissé emporter. Mais qu’aujourd’hui, l’âge faisant, ma crispation à l’égard de certaines mœurs aussi, j’ai vraiment du mal à m’y retrouver au milieu de toutes ces pesanteurs. Mais restera la question de la note. Si je laisse 5 ou 4 étoiles, j’annonce un très bon film, ce qui n’est pas ce que la critique dit en substance. Si je mets 1 ou 2, je suis conforme avec mon principe de noter en fonction du sentiment ressenti, mais je renie totalement ce qu’a pu être pour moi ce film à la première vision. Si je mets la note batarde de 3, je ne suis cohérent ni avec ma pensée d’avant, ni avec celle d’aujourd’hui… Dans le cinéma comme dans la vie, au bout d’un moment il faut savoir choisir au risque d’être à côté de ce qu’on voudrait être ou de ce qu’on voudrait faire… Dois-je assumer le fait que, petit-à-petit, je finisse par me recroqueviller sur un cinéma bien ciblé parce que, justement, après expérience et mise à l’épreuve, je me suis rendu compte que c’était dans celui-ci que je prenais le plus mon pied ? Ou bien au contraire, par souci de rester fidèle à l’explorateur que je suis, que j’entends rester, pour continuer d’être celui qui sait s’affranchir des codes qui ne sont pas siens pour s’ouvrir à de nouvelles horizons, est-ce que je dois me forcer pour retrouver le beau et le magique que je voyais autrefois au cinéma ? Dois-je me convaincre que, même si je ne ressens plus rien, il y a là une richesse de sens qui est bien réelle et concrète, et que ce sont juste mes capteurs qui ne savent plus capter ?… Au fond, laquelle de ces deux postures nous permet de rester honnête avec nous-mêmes ?

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/71/57/61/19138397.jpgEt voilà qu’à cette étape du propos, les habitués de ce blog – et encore davantage de cette rubrique – commencent dès lors à reconnaitre une de mes grandes marottes : qui sommes-nous vraiment en tant que cinéphiles ? Quelle est la finalement la nature de ce que je regarde et qui me révèle ? « Il se répète ! » pourriez-vous clamer. Peut-être ! Et si c’est le cas, dites le moi, que je me flagelle la prochaine fois qu’il me prendra l’envie d’écrire ce genre d’article (…et que je flagelle aussi cette grenouille qui chante hindi par la même occasion). Seulement voilà, cette question m’obsède… Et je la trouve obsédante justement parce que je la trouve essentielle. Je n’ai jamais arrêté de dire sur ce blog que je pensais que notre cinéphilie traduisait ce que l’on était et que, dès lors que l’on parlait d’un film et de ce qu’on en pensait, on parlait plus de soi qu’on ne parlait de cinéma à proprement parler. Et là encore, finalement, on retombe là-dessus. Quand je disais autrefois ne pas être dérangé par le temps long du film indien… c’était aussi parce qu’à cette époque, le temps était une richesse que je pouvais dépenser à mon aise, beaucoup plus qu’aujourd’hui où j’exècre justement les cinéastes qui parlent longuement pour ne rien dire… Autrefois j’aimais les mièvreries bollywoodiennes parce que justement, ma faible expérience relationnelle et ma vision encore fantasmée de l’amour à cette époque faisaient que cette mièvrerie satisfaisait un besoin ou un manque qui à l’époque était réel. Autrefois, je n’avais pas trop de souci avec cette glorification du « aimons-nous sans nous connaître et sans avoir expérimenté notre relation sérieusement et suivons aveuglément le fantasme que je projette sur toi sans réel fondement. » Aujourd’hui, mon vécu fait que je ne partage plus cette idéalisation. Sans y avoir un seul jour adhéré par le passé, je pouvais malgré tout la trouver touchante. Maintenant que j’estime que ce type de sentiment n’est qu’une source de désillusions et surtout un faux moteur pour explorer l’autre via le couple, je n’arrive pas non plus à me retrouver dans ces intrigues. 3h pour voir un homme et une femme arriver à une étape de la vie amoureuse que je trouve aujourd’hui immature et peu épanouissante, eh bah du coup ça fait que je trouve ça long. Moi, je serais intéressé par un film qui commence par la happy end, et puis qui montre à quel point le quotidien met à l’épreuve ce cadre rigide qu’est le couple traditionnel… Moi j’en ai marre qu’on me parle des difficultés à former un couple contre les convenances sociales… Ce qui m’intéresse personnellement, ce serait les difficultés de ce même couple à se farcir la façon dont les convenances sociales régissent leur vie maritale et transforme totalement la donne. Alors, bien sûr, c’est parce que moi, personnellement, je perçois les choses attrayant à la vie amoureuse de cette façon que maintenant, je ne me retrouve plus dans le cinéma indien. Il va s’en dire que ceux qui se sentent à l’aise avec la tradition ne connaîtront pas ce genre de problème à l’égard du cinéma indien… Seulement voilà : moi, aujourd’hui, je suis ça. Et de là où je me trouve aujourd’hui, le tempo, l’emphase, la surcharge et surtout la pesante morale uniformisante du cinéma indien font que ces films là sollicitent au final tout ce que je ne suis pas, tout ce que je ne suis plus. Si je veux donc rester fidèle à mon adage, celui qui veut que parler de cinéma c’est parler de soi à travers le cinéma, alors il faut que j’assume le fait de retourner ma veste…

 

 

 

 Je bouge... mais l'Inde, elle, tourne en rond. 

 

 

Donc voilà. Je le dis et je l’affirme à nouveau. Non je n’aime pas le cinéma indien… Et oui, je ne supporte pas ces films préchi-précha incapables de transcender leurs propres codes et leurs propres moralités. Souvent, mes expériences de cinéma indien se limitent à ce modèle unique de romance, avec toujours les mêmes ressorts et les mêmes codes. Pour ma part, ma dernière souffrance dans le genre fut donc le dernier Chopra, Jusqu’à mon dernier souffle, sorti en 2012. Et ça me raconte quoi ? Toujours la même chose ! Une belle nana va se marier avec quelqu’un choisi par ses parents, mais elle fait la rencontre de Shah Rukh « bad ass » Khan. Il est parfait, il a les yeux qui brillent et les cheveux dans le vent. Ils tombent amoureux… Et pourquoi n’abandonne-t-elle pas son mariage à la con pour aller avec le beau (et vieux, et lifté) Shah Rukh ? Parce que son père est un connard autoritaire ? Parce qu’elle n’a pas les ovaires de s’affirmer en femme libre et indépendante ? NON ! Parce qu’elle a fait une promesse à l’égard des dieux ! Et qu’à partir du moment où elle la rompt en fricotant avec son Shah Rukh, les dieux la punisse en dézinguent son bel Apollon en moto ! Il faut donc falloir – encore et encore ! – que pour sortir de cette terrible situation cornélienne, intervienne le gentil papa (oui parce qu’en Inde, un père peut forcer le mariage de sa fille mais être gentil quand même) et que ce gentil papa reconnaisse enfin que sa fille est malheureuse pour donner sa bénédiction à cette nouvelle union ! Parce que non, chez les Indiens, visiblement, on ne peut rien faire sans l'accord du chef de famille. Et ça déconne pas, hein ! Il a l'appui des dieux avec lui le bougre ! ...Non mais franchement... Quoi ? En 2012 ? Dans une famille indienne vivant en Occident ? Encore ?!! Mais comment, moi,  je peux me reconnaitre dans les dilemmes de ces gens ? « Ne t’inquiète pas ma belle, je ferais ce qu’il y à faire, je m’éloignerais de toi pour respecter la volonté des dieux et de ton père… » Quoi ? Mais merde ! Moi j’ai connu la Révolution française entre temps : ma volonté a désormais sa légitimité dans ce monde et je suis libre de l’exprimer…

 

http://fr.web.img3.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/93/69/94/20298233.jpg 

Alors vous allez me dire : ouais, mais comment oser juger tout un cinéma qu’à partir que de ses soupes commerciales ? Je suis d’accord, c’est réducteur ! C’est pour ça que je suis allé voir d’autres genres, d’autres alternatives et quelques tentatives underground. OMG – Oh My God ! par exemple… Voilà un film qui ose discuter de la bigoterie des Indiens, et de l’impossibilité en Inde de s’affirmer athée. Là je me suis dit : « Ah bah le voilà le cinéma indien audacieux ! » …Et le pire c’est que le début n’était pas si dégueulasse que ça. Toujours aussi bavard et ampoulé, mais au moins j’étais intrigué par la manière dont l’histoire allait se dérouler. J’avais un peu plus l’impression d’être en phase avec l’Inde véritable. Et au bout de 2h, que s’est-il passé ? On se rend compte que le héros athée a finalement été guidé par Vishnou lui-même pour restaurer la véritable foi ! Et du coup le mec athée devient croyant !!! Une comédie satirique qui dit : « Remettez en cause la religion, ce sera le meilleur moyen de remettre en place une autre religion ! Et remettez aussi en cause les dieux, ce sera également le meilleur moyen de vous rendre compte qu’il était inutile de les remettre en cause ! » Et qu’on ne me dise pas que je suis tombé sur le mauvais film ! Cette absence totale d’audace intellectuelle, cet asservissement à la bien-pensance et au conservatisme moral est une règle d’or dans le cinéma indien. Et pour en avoir parlé au grand consommateur de films indiens en tout genre qu’est DanielOceanAndCo, il me le confirme ! Même s’il ne sera certainement pas d’accord sur les qualificatifs que j’emploie (et il réagira sûrement, et il aura raison) il reconnaîtra qu’il n’y a pas un film où on ose divorcer et être ensuite heureux grâce au divorce ! …ou on peut vivre heureux, sans être marié ! …ou on peut choisir de vivre en envoyant chier l’autorité de ses parents ! …ou on peut envoyer chier la religion ! …ou on peut même carrément parler d’autres choses que de tout cela ! Alors désolé, mais moi, à partir de ces critères là, j’assume totalement le rejet de ce cinéma. J’assume totalement le fait qu’à bien tout trier, ce n’est pas dans ce cinéma là que je trouverai des œuvres capables de satisfaire ma soif de renouveau et d’exploration de l’humain. Mieux encore ! Puisqu’on est même libres de juger la qualité d’un film en fonction de son efficacité sur nous, et que ce cinéma là n’arrive pas à satisfaire ce qu’il prétendait pourtant vouloir susciter, alors je peux même me permettre de dire de lui que je ne le trouve pas bon. Cela n’engage que moi, comme toutes les appréciations qui sont établies sur n’importe quel produit culturel, mais j’ai ma légitimité à le penser et à le clamer, quand bien même d’autres ne seraient pas d’accord… Et quand bien même serait-ce en contradiction avec des sentiments ultérieurs que j’aurais pu avoir…

 

http://www.google.fr/url?source=imglanding&ct=img&q=http://bollyspice.com/wp-content/uploads/2012/08/12aug_OMG-musicreview.jpg&sa=X&ei=tWIJUoHqI8ao0wWPyYGwDQ&ved=0CAsQ8wc&usg=AFQjCNF-ryRUiJm46eDvE3Bsvr7hDn-0jAParce que oui, on pourrait me rétorquer qu’en disant que tout un cinéma national est pourri, je me ferme et me replie sur ma petite culture d’Occidental… que je fais preuve d’étroitesse d’esprit… que je refuse de comprendre la mentalité indienne. Après tout, on pourrait me dire que remettre en cause les choix du mariage arrangé, comme le font toutes les romances bollywoodiennes, c’est vachement progressiste en Inde, et qu’on peut ressentir du coup ce souffle de liberté et cet élan de dépassement ! Le pire, c’est ce que je pensais naïvement avant. J’avais assimilé ces contraintes morales comme étant des éléments à accepter, comme on peut le faire des contraintes techniques quant on voit un vieux film en noir et blanc. Et puis après, il n’y a plus qu’à se laisser séduire par « le plaisir inattendu » ou « l'inattenduement plaisant » comme j’aimais autrefois l’appeler… Certes, je peux concevoir le plaisir que l’on peut tirer de ce genre d’exercice qui consiste donc à s’adapter intellectuellement au spectacle vu. Je pourrais me concilier avec cette schizophrénie qui consiste à tailler un High School Musical parce qu’il est ringard et réactionnaire d’un côté alors que de l’autre je vanterais les mérites d’une bollywooderie qui sera pourtant tout aussi ringarde et réactionnaire… De la même manière que je pourrais dire qu’un film d’aujourd’hui est pourri parce que sa réalisation est plan-plan alors que de l’autre, je vanterais les mérites d’un Bergman qui utilise exactement les mêmes procédés, à la différence près qu’à son époque c’était révolutionnaire. Je pourrais effectivement fragmenter celui que je suis à l’envie pour être en mesure de me corver à volonté dans la bien-pensance et accepter ainsi sans souci mes multiples incohérences… Mais ce n’est pas ainsi que je me vois. Ce n’est pas ainsi que je me pense. Et je pense justement ma cinéphilie comme je me pense moi-même. Je suis un être évolutif, avec un début, un parcours, une fin. Quand j’étais gosse j’adorais les Disney… parce que c’étaient les premiers univers fantastiques qu’on m’a mis sous le nez. Depuis j’ai trouvé mieux, je me suis reconnu ailleurs. Ado, j’ai ensuite pris des claques sur des gros blockbusters sans cervelle, comme Independence Day. C’était mes premiers chocs visuels, ça a stimulé mon imagination. Aujourd’hui c’est autre chose qui stimule mon imagination, et je ne conseillerais d’ailleurs ce film à pas grand-monde, même aux gosses d’aujourd’hui car j’estime qu’à présent il y a mieux pour triper visuellement… Et puis dans tout ça, il y a eu aussi ma période bollywoodienne. Dans mon époque fleur bleue et d’ouverture aux cultures extérieures, je me suis alors aussi imprégné de tout ça. Ça m’a sûrement ouvert une porte, une sensibilité. Seulement voilà, aujourd’hui Disney, Independence Day et Kuch Kuch Hota Hai font partie de mon passé. Je ne renie pas l’impact qu’ils ont, comme je n’entends pas nier le fait qu’aujourd’hui ils n’en ont plus. On est ce qu’on est au moment présent. Et ce que je dirais dans ce présent sera ce que je pense et ressens à ce moment donné. Et si je devais parler à une midinette de 16 ans qui est encore dans son monde de coquelicots et d’illusions, et qu’elle me demande ce que je pense des films indiens, je lui répondrais sûrement ça. Hier, j’aimais parce que j’étais ainsi. Mais aujourd’hui ce sont des trucs qui ne me parlent plus parce que je suis comme cela, et je l’assume. Finalement, mon changement de rapport à l’égard du cinéma indien ne fait que confirmer ce que je pensais depuis le début. Aucun film n’est bon ou mauvais par sa nature intrinsèque, et soutenir tel film ou tel cinéma auprès des autres n’équivaut pas à soutenir sa vérité divine contre des usurpateurs incultes. Encore une fois, on ne fait au fond que parler de soi, de ce qu’on est au travers de ce qui nous fait vibrer. On change, c’est un fait. La cinéphilie change aussi, c’est tout. On ne s’éloigne pas ou on ne se rapproche pas de la vérité en retournant sa veste sur certains sujets. Faire que j’assume mon rejet du cinéma indien ne changera en rien le fait que DanielOceanAndCo continuera de l’apprécier. Il n’a pas plus raison que moi, ni moi plus que lui. Nous ne sommes certes plus en phase sur notre perception du cinéma indien, mais le plus important reste qu’en fin de compte, nous sommes chacun resté en phase avec nous-mêmes…

 

 

 

Conclusion : « et moi là-dedans ? »

 

 

« Alors OK, il a fait sa petite complainte le gars, mais moi maintenant, qu’est-ce que je dois comprendre par rapport à Bollywood ? Il me le conseille ? Il ne me le conseille pas ? Il me dit que c’est de la merde ou pas ? Et ses articles d’avant, ils sont périmés alors ? » Finalement c’est vrai qu’après toutes mes élucubrations, j’en arrive à une conclusion qui pourra vous sembler bien évasive, et pourtant c’est bien là-dessus que je compte vous laisser : « faites ce que vous voulez ! » Au fond, le but de mon propos n’est pas de dire « je me suis trompé, c’est de la merde n’y allez pas ». J’entendais juste vous sensibiliser à cette réalité qui nous concerne tous. Nous sommes tous les produits, voire les esclaves, de nos parcours de vie, de nos choix, de nos évolutions, et que finalement, définir une cinéphilie là-dedans, c’est un sacré bordel. Car je persiste et je signe – et cette aventure que je connais avec le cinéma indien me le confirme – il n’a pas de bon cinéma par nature, de mauvais cinéma par nature, et de connaisseurs capables de distinguer le bon vin de l’ivraie. Il y a juste des sensibilités variées. J’en suis une. Certains s’y reconnaissent peut-être. Certains s’y sont reconnus peut-être au début de ce blog et ne s’y reconnaissent plus. Certains s’y retrouveront peut-être plus tard… Pour moi la réalité du cinéma et des discussions autour du cinéma se trouve là : on se contente d’être ce qu’on est, et de se livrer tel qu’on est… On parle de nous. On échange du nous… On se révèle des aspects de nos personnalités. Finalement le cinéma n’est qu’un outil, pas une fin…

 

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/68/35/62/19022201.jpg 

Alors oui… Je le dis. Parce que nous sommes libres, parce que nous avons le droit au choix, au renoncement, au reniement, à l’évolution, j’ai le droit de retourner ma veste, parce qu’au fond, c’est ça qui me permet de rester fidèle à moi-même. Je ne suis ainsi plus esclave d’une pensée gravée dans le marbre sept ans plus tôt. Et si certains veulent utiliser ce revirement pour me dire que j’ai reconnu avoir eu tort hier et que je pourrais avoir tort aujourd’hui sur ce que je dis des films, alors je leur répondrais qu’ils n’ont rien compris… Lisez mon article d’il y a sept ans sur Bollywood, il est autant dans le vrai que celui-ci. Car le vrai est dans la sincérité de la parole et dans l’authenticité du ressenti exprimé à l’instant de l’écriture. J’estime être aussi authentique et sincère aujourd’hui que je ne l’étais il y a sept ans. Ces deux paroles ont leur légitimité. Elles n’ont juste pas été prononcées par les mêmes personnes. Et pourtant, cela ne m’empêche pas d’assumer les deux. J’assume être le fruit d’un parcours. J’assume avoir une personnalité non finie, en construction… Bref j’assume ne pas être une source fiable de connaissance et de ressenti. Bref, j’assume être humain. Et finalement, c’est là la vérité suprême que le cinéma nous rappelle à chaque fois qu’on se confronte à lui. Rien de plus, rien de moins. Et si cet article vous a permis de vous ramener à cette humilité parmi toutes vos élucubrations et questionnement sur le septième art, alors il aura accompli sa mission…

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de l'homme-grenouille
  • : Exilé d'Allociné mais la motivation reste intacte ! Par ce blog j'entends simplement faire valoir notre droit à la libre-expression. Or, en terme d'expression, celle qui est la plus légitime est celle des passions. Moi, je suis passionné de cinéma, et je vous propose ici mon modeste point de vue sur le septième art, en toute modestie et sincérité, loin de la "bien-pensance" mondaine. Puisque ce blog se veut libre, alors lisez librement et commentez librement. Ce blog est à vous...
  • Contact

Recherche