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26 février 2010 5 26 /02 /février /2010 23:06

                                   Tobey Maguire. Wild Bunch Distribution

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Chers lecteurs, après des dizaines et des dizaines d'articles issus de longues et pesantes réflexions, vous voilà sûrement face au post le plus spontané qui ne sera jamais sur ce blog ! En effet, telles que vous les lisez, ces lignes furent écrite à la débottée, immédiatement après être rentré du cinéma. C'est que le sentiment qui m'habite au moment où je rédige cet article est si fort et si tiraillant qu'il relèverait presque du devoir cathartique de l'écrire. Désolé que vous vous retrouviez du coup les spectateurs involontaires (mais consentants visiblement puisque vous lisez toujours !) de ma psychanalyse de bazar ; rassurez-vous en vous disant qu'au moins ce sera ça de moins à rembourser pour la sécu. Mais qui sait… Sûrement vais-je pouvoir consoler mon ego surdimensionné en me disant que je ne dois pas être le seul à m'affliger de cette surprenante singularité du cinéma. Seulement voilà, si je veux vous garder d'avantage chers lecteurs, autant arrêter le pompeux pour faire dans l'efficace : parlons vite et parlons bien plutôt que de s'étendre en palabres superflues. Allons à l'essentiel des choses. Mais qu'a-t-il donc bien pu se passer dans ce cinéma, le 26 février 2010 entre 18h45 et 20h30 pour que ce cher Startouffe s'agite du carafon ?

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Quand notre cinéma se transforme en un ami gros lourd qu'on a envie de baffer…

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Je plante le décor : Lille, cinéma le Majestic dans la rue piétonne. Petit cinéma « de quartier » à même pas 100 mètres du gros UGC de centre-ville. Protagoniste : votre cher serviteur, habitué des salles obscures, victime progressive de sa passion pour le cinéma (voir beaucoup de film le rend très exigeant…)* Situation : fin d'une semaine de travail harassante, mais « ouf »… ma grande copine la salle obscure va savoir me détendre du ciboulot. Au programme : Brothers. Sont présents au casting : Tobey « Spider » Maguire, Natalie « Mmmmh » Portman, et Jake « stick it in my behind dirty cowboy » Gyllenhaal. J'avoue que sans nos chers amies les bandes annonces – que je vois rarement – je ne serais sûrement pas allé le voir ce Brothers…Mais le fait qu'on me le présente ainsi, avec ce trio réuni, et avec qui plus est une histoire qui promettait quelques belles joutes verbales, je me disais que j'allais en terrain connu vers un spectacle classique mais suffisamment sympathoche pour bien détendre votre cher serviteur bien fatigué. Deux heures plus tard, je ressors du film, non pas déçu, mais aigri. Car oui, je n'ai rien à reprocher au film car il a su se faire honnête, sachant mener sa barque avec suffisamment de maîtrise pour satisfaire son homme, donc pas de déception. Pourtant, blasé je fus (désolé pour la formulation mais ils passaient L'empire contre-attaque sur M6 hier) faute à une traîtresse qui m'a pourri le film en moins de deux minutes. Quelle perfide instigatrice fut elle, car c'est celle là même qui m'avait fait me déplacer pour voir le film : cette coquine de bande-annonce !

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* Et voilà que je parle de moi à la troisième personne, comme quoi le premier jet sait toujours nous trahir comme il se doit… Ô fidèles lecteurs flagellez-moi !

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    Tobey Maguire et Jake Gyllenhaal. Wild Bunch Distribution   Natalie Portman et Jake Gyllenhaal. Wild Bunch Distribution   Natalie Portman, Jake Gyllenhaal, Taylor Geare et Bailee Madison. Wild Bunch Distribution

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Raaaah ! Mais quelle bande de cons ces annonceurs ! Mais que leur passent-ils par la tête ? Voyez la bande-annonce de ce Brothers et vous comprendrez ! (…ou plutôt non justement, ne la voyez pas !) TOUT, absolument TOUT est raconté dedans. Tout le schéma narratif nous y est présenté : situation initiale, élément perturbateur, situation perturbée qui en découle… Moi, comme un con, je me suis dit que la bande-annonce en racontait certainement trop, mais qu'elle ne devait pas aller au-delà de la première demi-heure de film… Eh bien que nenni ! La dernière scène de la bande-annonce n'a ni plus ni moins été piochée que dans les dix dernières minutes du film. Chapeau ! Moi qui pensais ne voir que la situation initiale, je connaissais finalement toute l'histoire. Ainsi, sans m'ennuyer, je voyais se dérouler les scènes et se mettre en place la situation que la bande-annonce m'avait présentée comme étant celle qui devait suivre… Chouette ! Rien de tel pour se mettre dedans ! Au final, pour quoi me suis-je déplacé ? Juste pour connaître les deux minutes qui suivent la dernière image de la bande-annonce… Et alors qu'on commence à sentir un début de frisson prendre, parce qu'on est justement pris par la situation et l'émotion de l'incertitude – paf ! – écran noir, générique de fin… Merci d'être venu : la vaseline est dans le petit panier à côté de la porte de sortie… Mais depuis quand les annonceurs sont-ils à l'image de ces vieux gars qui, à la cantine du boulot, vous disent : « Hey, je suis allé voir un film les gars ! Trop bien ! Franchement, quand le mec est mort à la fin, j'étais trop surpris j'ai failli pleurer ! Je vous conseille vivement d'aller le voir ! » Oh oui, un gros lourd comme ça, on en a tous un : au boulot, dans la famille, parmi les potes… Eh bien maintenant voilà qu'on en a un au cinéma ! Mais quel idée franchement…

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De l'émo« quoi » ?...

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Arrivé à la deuxième partie, voilà que je me relis… Je ne peux pas m'en empêcher. Mais comme quoi cela sert toujours, car sinon je ne me serais pas surpris moi-même dans les questions stupides que je pose. « Mais qu'est-ce qui leur passe par la tête ? »… Voilà le genre de question à la con que je me pose… Comment puis-je écrire une telle chose alors que nous savons tous ce qui se passe dans la tête de ces charmants annonceurs ? C'est vrai ça : pourquoi nous raconte-t-il tout ? Pourquoi en montrer le plus possible ? Mais pour une raison bien simple : plus on en montre, plus les gens auront envie de venir ! …Alors certes, une fois qu'on a sa place et qu'on regarde le film, on se prend à la figure le mauvais côté du « trop montré », c'est qu'on a déjà tout vu. Alors forcément, l'émotion n'est pas forcément ce qu'elle aurait pu être… Mais que dis-je : l'émo « quoi » ? Mais de quoi parle-t-il ce saugrenu personnage ? Le cinéma c'est du business ! S'ils sont aigris après avoir payé on s'en fout : ils ont déjà payé ! Ca rapporte combien l'émotion dans la salle ? Ce qui compte c'est le potentiel émotionnel d'avant l'entrée ! De toute façon qu'est-ce qu'en sauront les gens si la bande-annonce leur a gâché le film ? Ils ne pourront jamais comparer l'émotion qu'ils auront eu de découvrir le film en sachant ou en ne sachant pas des éléments de l'intrigue, puisque la découverte ça ne peut avoir lieu qu'une fois ! Entre ceux qui disent « je suis sûr que j'aurais mieux aimé sans avoir su » et ceux qui disent « oh tu sais, moi, une fois que je suis dans la salle, j'arrive à faire abstraction », personne ne pourra jamais vérifier puisque de toute manière cela reste de la pure spéculation abstraite…

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                Natalie Portman. Wild Bunch Distribution

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L'abstrait… Finalement c'est plus ou moins là-dedans que nous emmènent nos chers annonceurs, nos chers distributeurs, nos chers producteurs… Le cinéma en est réduit à un produit. Après tout, pourquoi s'emmerder du respect de l'œuvre ? Pourquoi s'emmerder à ménager le spectateur, à le mettre dans une posture d'attente ? Vendre du rêve de cette façon cela rapporte moins. Alors, OK, peut-être qu'en faisant ainsi, le produit sera moins efficace, c'est-à-dire qu'il ne répondra pas autant qu'il aurait pu aux exigences de la clientèle-cible qui veut payer de l'émotion. Mais un peu ou beaucoup d'émotion, qu'est-ce que ça change ? …Dans le tiroir-caisse : rien ! Que c'est moche le cinéma quand c'est vendu par des commerciaux plutôt que par des artistes, ou bien ne serait-ce que par des cinéphiles ! Quelqu'un qui aime le cinéma sait au moins que les gens viennent s'exposer au film parce que c'est un vecteur d'émotions. On vient au cinéma pour ressentir du différent, pour être bouleversé, pour vibrer… Mais bon, c'est cela l'abstrait pour nos chers vendeurs de rêves : l'émotion. L'émotion, ce n'est pas cela qui va assurer de payer la véranda… Alors qu'importe si en faisant ainsi on bride sûrement l'émotion des gens, si on atténue la portée d'une œuvre, puisque de toute façon jamais on ne saura vraiment… Donc autant jouer le jeu et accepter, pauvre spectateur que nous sommes, de consommer le cinéma de cette manière dès à présent. Contentons-nous du plaisir fugace de la bande-annonce, car c'est cela le cinéma d'aujourd'hui, le produit fini n'étant finalement plus qu'un prétexte à l'existence du nouveau support de nos deux minutes de bonheur…

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Vous aussi, optez pour la sagesse pascalienne…

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Enfin bon, je ne vais pas m'étendre d'avantage, car certains sont certainement déjà en train de se dire que je cherche à générer une tempête dans un verre d'eau. Mon estimé camarade d'Allociné, DanielOceanAndCo sera sûrement le premier à noter toute la contradiction apparente du propos. Puisque je dis qu'on ne pourra jamais savoir si la vision d'une bande-annonce a vraiment nuit ou pas à la découverte d'un film, pourquoi faire malgré tout le procès de la bande-annonce ? La raison en est pourtant simple : je me contente juste d'appliquer la sage pensée de Blaise Pascal. Bien que tiraillé par l'absence totale de certitudes qu'il avait à l'égard de l'existence de Dieu, notre cher philosophe avait néanmoins opté pour l'observance de Sa loi. Ne pas la respecter lui faisait courir le risque d'un châtiment en cas de divinité avérée, alors qu'en la respectant, il ne courait aucun risque si jamais Dieu n'existait pas. Ma posture face aux bandes-annonces est finalement la même : qu'est-ce que je perds en ratant les bandes-annonces d'un film que je compte voir de toute façon ? Rien. Qu'est-ce que je gagne en les voyant : au mieux de la frustration, au pire une perte en émotion lors de la découverte du film. Alors après, c'est sûr que tout le monde ne peut pas se permettre de jouer les grands cons qui arrivent au dernier moment dans la salle et qui écrase les pieds de tous ceux qui sont déjà installés, mais quand la possibilité nous est offerte, autant la prendre ! Au fond, le prix qui est au bout du parcours, c'est l'hypothèse de tirer le maximum du potentiel émotionnel d'un film… Ce n'est pas rien…

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    Natalie Portman et Bailee Madison. Wild Bunch Distribution   Jake Gyllenhaal. Wild Bunch Distribution   Jake Gyllenhaal. Wild Bunch Distribution

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Alors, oui, j'ai conscience que cet article fait un petit peu réflexion de geek (au sens cinéphilique du terme) pour tricoter des lignes entières de palabres à partir de pas grand-chose mais pourtant… Si justement j'ai voulu écrire cet article à chaud c'est pour que celui-ci puisse s'alimenter de ce sentiment fort que je ressens encore maintenant, au sortir de ce Brothers. Je ne retiens de ce film que les caractéristiques suivantes : qu'il est lent, qu'il est convenu, qu'il est prévisible et même qu'il est creux… Mais au fond, l'ai-je trouvé lent parce que j'attendais sans cesse la scène à venir, celle que m'avait promis la bande-annonce ? Est-ce que je l'ai trouvé convenu parce que la bande-annonce avait fixé dans mon esprit une convention préétablie pour ce film ? Enfin, est-ce que je l'ai trouvé prévisible et creux parce que la bande-annonce m'en avait déjà tout dit et que par conséquent je suis passé à côté de tous ces autres moments, qui auraient pu instaurer l'émotion mais auquel je n'ai pas été sensible ? Une chose est en tout certaine : si un film a un ordre bien préétabli dans ses scènes et dans ce qu'il révèle des personnages, c'est justement parce que le chemin par lesquels on les découvre a une importance. Au début de Brothers a lieu un repas : sont présents les principaux protagonistes et le père des deux frères. Cette scène est l'occasion de nous faire basculer progressivement de la représentation familiale classique qu'on se fixe de prime abord à celle d'une famille rongée par des tensions larvées entre des personnages qu'on cherche alors à comprendre… Cette scène, quand on sait ce que vont devenir chacun des personnages, perd toute sa fonction. La représentation initiale qu'on a si on a déjà vu la bande-annonce n'est pas celle de la famille unie, c'est celle de deux frères qui vont se déchirer. Ainsi, dans notre esprit, il n'y a pas de réel basculement. Le basculement est compris, mais il n'est pas ressenti. Connaissant la conséquence de chaque acte, la réussite ou non de chaque tentative, la pertinence ou non de chaque point de vue en fonction de la situation finale, le film ne se vit plus, il se comprend…seulement. Alors se contente-t-on des quelques émotions épargnées, d'un prolongement de ce que la bande-annonce a suscité, ou tout simplement de la complaisance face à la situation… Sans l'incertitude, on est certes rassuré, on émousse les émotions, mais du coup on atténue la chance de pics… Si ça se trouve j'aurais adoré découvrir Brothers d'un bloc ! …Mais, bon, j'avance cette idée alors qu'au final, tout cela n'est que de la spéculation, n'est-ce pas ?

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Conclusion : « A mort l'assassin ! »

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On dira ce qu'on voudra, mais je ne vois pas comment on peut soutenir l'idée qu'en connaître trop sur le film ne nuise pas au plaisir de sa découverte. Il n'empêche peut-être pas l'émotion, mais comment être sûr que cette émotion pourtant ressentie n'aurait pas pu être plus forte encore ? Une chose est sûre, cela m'aurait fait mal de ressentir juste du très bon plaisir à Dark Knight au lieu de cette grande claque que j'ai reçu, et qui fait incontestablement parti de mes plus grosses baffes connues dans une salle obscure. Ce genre de vibration, d'extase à la limite de la transcendance de soi, je la ressens si rarement que j'enragerai aujourd'hui de savoir que je suis passé à côté d'une seule d'entre elle, et cela à cause d'une bande-annonce ou d'un collègue bien lourd qui m'en aurait raconté la fin… L'ami Ocean dit rester immunisé face à ce genre de processus émotionnel, pourtant ce grand adorateur du maître Eastwood (bien plus que moi soit dit en passant, il suffit de comparer nos notes pour s'en convaincre) s'est dit être resté de marbre face à l'Echange. « Convenu, classique, prévisible, lent… » l'a-t-il qualifié… Mais à part ça, soutient-il, il est impossible que ce ressenti soit le résultat d'une bande-annonce qui raconte l'intégralité du film, étape par étape ! Dommage, car moi c'est justement parce que j'ai été surpris régulièrement par le cheminement que prenait l'intrigue que je me suis justement retrouvé plongé dedans, et cela curieusement de la même façon que les quelques uns qui l'ont découvert comme moi « à l'aveugle ». Alors, après tout, on est tout à fait en droit d'aller au cinéma juste pour rechercher de l'émotion, qu'importe son intensité ou son origine, mais ceux qui comme quoi sont à un stade où ce qui prime c'est la recherche de l'émotion ultime, ils conviendront sûrement que ces satanés bandes-annonces irrespectueuses de l'art cinématographique sont tout de même une véritable plaie… Bref, si les annonceurs pensaient un peu moins « gros sous » et un peu plus « spectacle », on y gagnerait sûrement tous chacun de notre côté. Après tout, Nietzsche disait que tout ce qui se paye n'a pas de valeur, il avait peut-être raison…

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                                        Jake Gyllenhaal et Tobey Maguire. Wild Bunch Distribution



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